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L’UNRWA en question (2)

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L’UNRWA est une anomalie de l’histoire, anomalie qui dure depuis plus de 74 ans à cause de la lâcheté des États membres de l’ONU.

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU vota la résolution 181 qui définissait le plan de partage de la Palestine dite mandataire c’est-à-dire occupée par le Royaume Uni entre un État arabe et un État juif [1].

Le chapitre concernant la citoyenneté est très clair :

Les citoyens palestiniens résidant en Palestine, à l’extérieur de la Ville de Jérusalem, et les Arabes et Juifs qui, sans avoir la nationalité palestinienne, résident en Palestine à l’extérieur de la Ville de Jérusalem, deviendront citoyens de l’État dans lequel ils résident et jouiront de tous les droits civils et politiques, à partir du moment où l’indépendance aura été reconnue. Toute personne de plus de dix-huit ans pourra, dans le délai d’un an à dater du jour où l’indépendance de l’État sur le territoire duquel elle réside aura été reconnue, opter pour la nationalité de l’autre État, étant entendu qu’aucun Arabe résidant sur le territoire de l’État arabe envisagé n’aura le droit d’opter pour la nationalité de l’État juif envisagé, et qu’aucun Juif résidant dans l’État juif envisagé, n’aura le droit d’opter pour la nationalité de l’État arabe envisagé. Toute personne qui exercera ce droit d’option sera censée opter en même temps pour sa femme, et ses enfants de moins de dix-huit ans.
op. cit. p.8

Un chapitre décrit l’Union économique palestinienne entre les deux États (op. cit. p.9) ! Un autre trace les frontières de l’État arabe (op. cit. p.12-16), de l’État juif (op. cit. p.16) et de Jérusalem (op. cit. p.16-20) qui a un régime spécial.

Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama l’État d’Israël. Pour lui comme pour le Conseil national juif qu’il présidait, il n’était pas question de partage. Les colons, les organisations terroristes (Lehi, Irgoun, Haganah, etc.) et l’armée israélienne (Tsahal nouveau nom de Haganah après le 26 mai 1948) imposèrent le rêve sioniste de la Palestine réservée aux juifs (selon la définition des rabbins) parce qu’élus de Yahweh.
Entre novembre 1947 et mars 1949, environ 800 000 Palestiniens furent chassés de leur terre et plus de 500 villages rasés. Cette tragédie est sommairement connue sous la nom de Nakba. Les Palestiniens exilés de force peuplèrent alors des camps de réfugiés dans les États arabes voisins dont Gaza administrée par l’Égypte [2].

Le monde entier resta tétanisé devant l’ampleur du coup de force d’Israël qui n’avait pas respecté le plan de partage et occupait désormais 78% de la Palestine mandataire en toute illégalité. Pourtant aucun État n’osa contraindre l’État d’Israël à respecter sa signature pour la simple raison que tous furent plus ou moins complices et certains même collaborèrent au génocide des juifs – ce fut le cas de la France entre 1940 et 1945 [3].
Devant l’ampleur de la catastrophe, il fallait bien faire semblant de faire quelque chose. Je ne sais pas qui a eu l’idée, mais elle est classique. Faute de résoudre le problème politique en amont, on créa une structure pour soigner les conséquences humanitaires en aval.

Le 8 décembre 1949,, l’ONU créa donc l’UNRWA. Sa tâche fut de gérer les camps de réfugiés palestiniens et de répondre aux besoins essentiels en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux. Les pays donateurs se donnaient ainsi bonne conscience… en faisant la charité.
Cette agence n’était pas conçue pour durer, mais elle est devenue au fil du temps une bureaucratie comptant aujourd’hui 13 000 employés [4]. Elle est critiquée au sein de l’ONU par le HCR, agence dédiée aux réfugiés dans le reste du monde, qui met en en avant la disproportion de moyens : un employé l’UNRWA a en charge de 178 réfugiés et un employé du HCR 9 375 réfugiés.

Je fais partie de ceux qui critiquent l’UNRWA parce que cette agence vit et prospère grâce à la colonisation israélienne de la Palestine. L’occupation est sa raison d’être. En effet, si les États, en premier lieu les États-Unis, contraignaient l’État d’Israël à respecter les résolutions de l’ONU en faveur de la création d’un État palestinien, alors l’UNRWA disparaitrait dans la foulée. Imaginez l’angoisse de tous les directeurs, sous-directeurs et chefs de service à l’idée de cette perspective.

L’État d’Israël veut la disparition de l’UNRWA sans la création d’un État palestinien afin d’annihiler définitivement le droit au retour des réfugiés. C’est aujourd’hui une question de survie politique pour Benjamin Netanyahu. Il met lentement, mais sûrement en place “la solution finale” : tuer le plus grand nombre de Palestiniens et expulser les survivants terrorisés. Bien que contesté en Israël, il bénéficie de la complaisance du “monde libre” : les États-Unis, la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie, l’Italie, l’Allemagne, la Finlande et… la France.

La suspension voire la suppression du financement de l’UNRWA va accélérer le génocide en cours… dans l’indifférence générale ou la complicité voire la collaboration. Les Palestiniens sont désespérément seuls face à la barbarie israélienne. Certains s’interrogent sur la résilience sociale dont ils font preuve car ils peinent à comprendre qu’ils sont pleinement dans leur droit comme l’a confirmé la Cour Internationale de Justice.
Mais l’affrontement sanglant des deux nationalismes aboutit à une impasse. C’est pourquoi la solution d’un État Israël-Palestine qui “garantisse des droits et une sécurité absolument égaux aux deux peuples” s’impose chaque jour d’avantage comme la seule viable à long terme [5].

30/01/2024
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
28/01/2024, Déclaration du Secrétaire général sur l’UNRWA, ONU Palestine (traduction automatique).
28/01/2024, Les alliés d’Israël accélèrent le génocide en gelant les fonds de l’UNRWA, The Electronic Intifada (traduction automatique).
29/01/2024, Sordides et calculées, les tentatives de disqualification de l’UNRWA visent les réfugié.es palestinien.nes, Association France Palestine Solidarité.
Réfugiés palestiniens, les chiffres-clés 2020, Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine.
Sites, ONU Palestine (traduction automatique)UNRWA.
Sari HANAFI, Leila HILAL, Lex TAKKENBERG, UNRWA and Palestinian Refugees – From Relief and Works to Human Development, 2014 [Partage en ligne].
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.


Notes


[1] Lire : Résolution 181 (texte bilingue anglais-français), ONU.

[2] Lire
– Le récit de l’historien israélien qui, à la suite de controverses sur ses travaux, s’est exilé en Angleterre en 2007 où il enseigne à l’université d’Exeter : Ilan PAPPÉ, Le nettoyage ethnique de la Palestine, 2008, Fayard, [Partage en ligne].
– Brochure Nakba, Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine.

[3] Aujourd’hui, la France collabore au génocide des Palestiniens… pour se faire pardonner. Lire : La France collabore au génocide des Palestiniens, Palestine en Question.

[4] J’utilise le mot “bureaucratie” non pas dans l’acceptation de Léon Trotsky pour caractériser le cours nouveau du Parti bolchevik sous la direction de Joseph Staline, mais dans celle du sociologue des organisations Michel Crozier.
Lire :
Léon TROTSKY, Cours nouveau, MIA, 1923.
Michel CROZIER, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1963
Compte rendu : AnnalesRevue française de science politiqueRevue française de sociologieSens publicSociété québécoise de science politique.
Michel CROZIER, Biographie : in La sociologieSociologie – Articles : CairnÉruditHALPersée.
La bureaucratie internationale et le système des Nations unies, Revue Internationale des Sciences Administratives, 2021.

[5] Lire :
– L’impasse de deux États, Palestine en Question].
– État unique Palestine-Israël, Palestine en Question.

L’UNRWA en question

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Décembre 2023, des familles palestiniennes qui ont perdu leurs maisons trouvent abris dans une école de l’UNRWA à Deir Al Balah

 

Douze employés parmi les 13 000 qui exercent au sein de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine à Gaza (UNWRA), ont été accusés sans preuve, par les services de communication du Shin Beth israélien, d’avoir participé aux attaques du 7 octobre.

Ils ont été immédiatement suspendus par le Commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini qui a ouvert une enquête.

Cela n’a pas empêché neuf pays occidentaux, États-Unis en tête, aussitôt suivis notamment par la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie, l’Italie, l’Allemagne et la Finlande de décider d’interrompre leurs contributions financières à l’UNRWA ! Toute honte bue, la France leur a rapidement emboîté le pas.

L’institution onusienne et l’ensemble de ses équipes se voient brutalement mis en cause et pénalisés. Exerçant leurs missions dans des conditions extrêmement difficiles, ce sont tous les employés de la plus importante organisation humanitaire dans la bande de Gaza qui se voient empêchés de fournir l’aide alimentaire, les produits d’hygiène qu’elle est pratiquement la seule à fournir à une population menacée par la famine et les les épidémies qui se propagent.

Ce sont plus de 2 millions de Palestiniens réfugiés et déplacés internes qui dépendent des services de l’UNRWA pour survivre du fait de la guerre : trouver un refuge, tenter de s’alimenter, être protégés. Les écoles et centres de soins, déjà fortement endommagés par le bombardements, risquent de fermer.

Le gouvernement Netanyahou n’a jamais caché son désir de voir l’UNRWA disparaître, de même qu’il voudrait voir disparaître le droit au retour des réfugiés et les réfugiés eux-mêmes ainsi bien évidement que leur statut garanti par l’UNRWA. Fragilisée financièrement par le désengagement financier des États-Unis, l’UNRWA a déjà été visée par des campagnes de disqualification fomentée par Israël, elle doit régulièrement faire appel aux donateurs pour son fonctionnement. Ce sont donc les 6 millions de réfugiés palestiniens bénéficiaires des services assurés par l’UNRWA (aide alimentaire, écoles, soins de santé primaire) qui sont directement impactés à l’heure où Israël attaque les camps de réfugiés quasi quotidiennement en Cisjordanie et en détruit méthodiquement les infrastructures.

Impossible de ne pas y voir une contre-offensive éhontée de la part d’un État qui s’enfonce dans le déni, une réponse cynique et sordide à la décision de la Cour Internationale de Justice (CIJ) du 26 janvier ? Comment ne pas être horrifié par ce soutien de ses alliés occidentaux à Israël dans ses actes génocidaires ? Ont-ils perdu toute humanité ?

Alors que l’urgence est à l’application des ordonnances de la CIJ pour prévenir le risque sérieux de génocide à Gaza, alors que ces États n’ont pas trouvé la moindre sanction à appliquer à Israël pour l’arrêter dans son entreprise génocidaire qui dure depuis 115 jours, ils n’hésitent pas à enfoncer encore plus dans l’enfer une population sans défense de plus de deux millions d’habitants dont près de la moitié d’enfants. Par leurs décisions, ce sont maintenant eux qui privent les Palestiniens de Gaza de moyens de survivre, ils ne sont plus seulement complices mais deviennent responsables.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exhorté dimanche les pays ayant suspendu leur financement à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens à “au moins garantir” la poursuite de ses opérations, dont deux millions de personnes dépendent “pour leur survie au quotidien.”

L’histoire jugera cette faillite politique et morale de pays généralement enclins à donner des leçons au monde. Les financements doivent revenir immédiatement à l’UNRWA.

Association France Palestine Solidarité

Commentaire : Palestine en Question.

Lire aussi :
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

La France collabore au génocide des Palestiniens

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Entre 1940 et 1945, la France a collaboré au génocide des juifs.
Aujourd’hui, la France collabore au génocide des Palestiniens.

Stéphane Séjourné a déclaré :
– le 17 janvier Il faut “œuvrer… permettre de garantir les souffrances des Palestiniens” [source]

 

– le 28 janvier “La France n’a pas prévu de nouveau versement à l’UNRWA au premier trimestre 2024” [source].

 

Lire aussi :
18/01/2024, Demande d’explication au Premier ministre au sujet de la politique étrangère de la France, Association France Palestine Solidarité.
19/01/2024, La France sommée de s’expliquer sur sa politique étrangère après le lapsus d’un ministre, Middle East Eye.
28/01/2024, Déclaration sur l’UNRWA, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
29/01/2024, “La honte, encore” : vives réactions après la suspension provisoire des financements de la France à l’UNRWA, Middle East Eye.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

Tsahal, une armée barbare

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7 décembre 2023, l’armée israélienne fait des dizaines de prisonniers parmi la population de Gaza à Beit Lahia au nord de Gaza dans deux écoles de l’UNRWA. Les troupes les ont obligé à se déshabiller avant de les entasser dans des camionnettes vers une destination inconnue.
Source : Eye on Palestine, InstagramTelegramX

 

Lire aussi :
Le génocide à Gaza est l’un des pires de l’histoire moderne, Association France Palestine Solidarité.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

Pour massacrer les Palestiniens, Israël a besoin de “tuer l’Histoire”

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La bande de Gaza, véritable ghetto et qui abrite aujourd’hui plus de deux millions d’habitants, est sous blocus israélien complet depuis 2006, soit 17 années…

 

Le 24 octobre, une déclaration du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a suscité une vive réaction de la part d’Israël.

S’adressant au Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de l’ONU a déclaré qu’il condamnait avec la plus grande fermeté le massacre commis par le Hamas le 7 octobre, mais qu’il souhaitait rappeler au monde que ce massacre n’avait pas eu lieu dans le vide. Il a expliqué qu’on ne peut dissocier 56 ans d’occupation de notre réaction à la tragédie qui s’est déroulée ce jour-là.

Le gouvernement israélien n’a pas tardé à condamner cette déclaration. Les responsables israéliens ont exigé la démission de M. Guterres, affirmant qu’il soutenait le Hamas et justifiait le massacre qu’il a perpétré. Les médias israéliens ont également pris le train en marche, affirmant notamment que le chef de l’ONU “a fait preuve d’une faillite morale stupéfiante”.

Cette réaction suggère qu’un nouveau type d’accusation d’antisémitisme pourrait maintenant être sur la table.

Jusqu’au 7 octobre, Israël avait fait pression pour que la définition de l’antisémitisme soit élargie afin d’inclure la critique de l’État israélien et la remise en question du fondement moral du sionisme. Désormais, la mise en contexte et l’historicisation de ce qui se passe pourraient également déclencher une accusation d’antisémitisme.

La déshistoricisation de ces événements aide Israël et les pouvoirs occidentaux à poursuivre des politiques qu’ils préféraient [autant que possible] éviter par le passé pour des raisons éthiques, tactiques ou stratégiques.

Ainsi, l’attaque du 7 octobre est exploitée par Israël comme prétexte pour poursuivre des politiques génocidaires dans la bande de Gaza.

C’est aussi un prétexte pour les États-Unis d’essayer de réaffirmer leur présence au Moyen-Orient. Et c’est un prétexte pour certains pays européens de violer et de restreindre les libertés démocratiques au nom d’une nouvelle “guerre contre le terrorisme”.

Mais ce qui se passe actuellement en Israël-Palestine s’inscrit dans plusieurs contextes historiques que l’on ne peut ignorer.

Le contexte historique le plus large remonte au milieu du XIXe siècle, lorsque le christianisme évangélique occidental a fait de l’idée du “retour des juifs” un impératif religieux millénaire et a préconisé l’établissement d’un État juif en Palestine dans le cadre des étapes qui mèneraient à la “résurrection des morts, au retour du Messie et à la fin des temps”.

La théologie est devenue une politique vers la fin du 19e siècle et dans les années précédant la Première Guerre mondiale pour deux raisons.

Premièrement, elle a servi les intérêts de ceux qui, en Grande-Bretagne, souhaitaient démanteler l’Empire ottoman et en incorporer des parties dans l’Empire britannique.

Deuxièmement, il a trouvé un écho au sein de l’aristocratie britannique, tant juive que chrétienne, qui a été séduite par l’idée du sionisme comme panacée au problème de l’antisémitisme en Europe centrale et orientale, qui avait provoqué une vague d’immigration juive malvenue en Grande-Bretagne.

La fusion de ces deux intérêts a poussé le gouvernement britannique à publier la célèbre – ou infâme – déclaration Balfour en 1917.

Les penseurs et militants juifs – qui ont voulu redéfinir le judaïsme en un nationalisme – espéraient que cette définition protégerait les communautés juives d’un danger existentiel en Europe en se concentrant sur la Palestine comme l’espace désiré pour la “renaissance de la nation juive”.

Au cours de ce processus, le projet culturel et intellectuel sioniste s’est transformé en un projet colonial, qui visait à judaïser la Palestine historique, sans tenir compte du fait qu’elle était habitée par une population autochtone.

À son tour, la société palestinienne, plutôt pastorale à l’époque et dans sa phase initiale de modernisation et de construction d’une identité nationale, a produit son propre mouvement anticolonial.

Sa première action significative contre le projet de colonisation sioniste a été le soulèvement d’al-Buraq en 1929, et elle n’a pas cessé depuis.

Un autre contexte historique pertinent pour la crise actuelle est le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948, qui comprenait l’expulsion forcée de Palestiniens dans la bande de Gaza à partir de villages sur les ruines desquels certaines des colonies israéliennes attaquées le 7 octobre ont été construites.

Ces Palestiniens déracinés faisaient partie des 750 000 Palestiniens qui ont perdu leur foyer et sont devenus des réfugiés.

Ce nettoyage ethnique a été constaté par le monde entier mais n’a pas été condamné.

En conséquence, Israël a continué à recourir à l’épuration ethnique dans le cadre de sa volonté de s’assurer un contrôle total sur la Palestine historique, en laissant le moins possible de Palestiniens de souche.

Il a notamment expulsé 300 000 Palestiniens pendant et après la guerre de 1967, et plus de 600 000 de la Cisjordanie, de Jérusalem et de la bande de Gaza depuis lors.

Il y a aussi le contexte de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Au cours des 50 dernières années, les forces d’occupation ont infligé une punition collective persistante aux Palestiniens de ces territoires, les exposant au harcèlement constant des colons et des forces de sécurité israéliennes et emprisonnant des centaines de milliers d’entre eux.

Depuis l’élection de l’actuel gouvernement israélien messianique fondamentaliste en novembre 2022, toutes ces politiques cruelles ont atteint des niveaux sans précédent.

Le nombre de Palestiniens tués, blessés et arrêtés en Cisjordanie occupée est monté en flèche. En outre, les politiques du gouvernement israélien à l’égard des lieux saints chrétiens et musulmans de Jérusalem sont devenues encore plus agressives.

Enfin, il y a aussi le contexte historique du siège de Gaza, qui dure depuis 16 ans et dont près de la moitié de la population est constituée d’enfants. En 2018, l’ONU avertissait déjà que la bande de Gaza deviendrait un endroit impropre à la vie humaine d’ici 2020.

Il est important de rappeler que le siège a été imposé en réponse aux élections démocratiques remportées par le Hamas après le retrait unilatéral d’Israël du territoire.

Il est encore plus important de remonter aux années 1990, lorsque la bande de Gaza a été encerclée par des barbelés et déconnectée de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est à la suite des accords d’Oslo.

L’isolement de Gaza, la clôture qui l’entoure et la judaïsation accrue de la Cisjordanie montrent clairement qu’aux yeux des Israéliens, Oslo signifie une occupation par d’autres moyens, et non une voie vers une paix dans la justice.

Israël contrôlait les points de sortie et d’entrée du ghetto de Gaza, surveillant même le type de nourriture qui y entrait, la limitant parfois à un certain nombre de calories. Le Hamas a réagi à ce siège épuisant en lançant des roquettes sur des zones civiles en Israël.

Le gouvernement israélien a prétendu que ces attaques étaient motivées par le souhait du mouvement de tout simplement tuer des juifs – l’accusant d’une nouvelle forme de nazisme – sans tenir compte du contexte de la Nakba, du siège inhumain et barbare imposé à plus de deux millions de personnes et de l’oppression de leurs compatriotes dans d’autres parties de la Palestine historique.

Le Hamas, à bien des égards, a été le seul groupe palestinien à promettre une vengeance ou une réponse à ces politiques. La manière dont il a décidé de répondre, cependant, peut entraîner sa propre disparition, au moins dans la bande de Gaza, et peut également servir de prétexte à une nouvelle oppression du peuple palestinien.

La violence de l’attaque [du 7 octobre] ne peut en aucun cas être justifiée, mais cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas être expliquée et contextualisée.

Aussi violente qu’ait été l’offensive [de la résistance palestinienne], il ne s’agit pas d’un événement qui changera la donne, malgré l’énorme coût humain pour les deux parties.

Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir ?

Israël restera un État créé par un mouvement de colonisation, qui continuera à influencer son ADN politique et à déterminer sa nature idéologique. Cela signifie qu’en dépit du fait qu’il se présente comme la seule démocratie du Moyen-Orient, il restera une démocratie uniquement pour ses citoyens juifs.

La lutte interne à Israël entre ce que l’on peut appeler l’État de Judée – l’État des colons souhaitant qu’Israël soit plus théocratique et raciste – et l’État d’Israël – souhaitant maintenir le statu quo – qui a préoccupé Israël jusqu’au 7 octobre, éclatera à nouveau. En fait, il y a déjà des signes de son retour.

Israël restera un État d’apartheid – comme l’ont déclaré un certain nombre d’organisations de défense des droits de l’homme – quelle que soit l’évolution de la situation à Gaza.

Les Palestiniens ne disparaîtront pas et poursuivront leur lutte pour la libération, avec de nombreuses sociétés civiles à leurs côtés et face à leurs gouvernements qui soutiennent Israël et lui accordent une immunité sans égale.

L’issue reste la même : un changement de régime en Israël qui apporte l’égalité des droits pour tous, de la rivière à la mer, et qui permette le retour des réfugiés palestiniens.

Sinon, le cycle de l’effusion de sang ne s’arrêtera pas.

06/11/2023, Ilan PAPPÉ, Pour massacrer les Palestiniens, Israël a besoin de “tuer l’Histoire”, Chronique de Palestine.

Lire aussi :
Ilan PAPPÉ, Le nettoyage ethnique de la Palestine, Monde en Question.
L’impasse de deux États (avec bibliographie), Monde en Question.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
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Terrorisme colonial à Gaza

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Le quartier de Jabaliya, au nord de la ville de Gaza, a été frappé jeudi par des frappes aériennes israéliennes pour la troisième journée consécutive, tandis que les médecins traitant les victimes ont décrit des scènes cauchemardesques d’opérations sans fournitures de base ni anesthésie.


Plusieurs jours de frappes aériennes israéliennes ont provoqué des destructions généralisées dans le quartier de Jabaliya à Gaza

 

Le Dr Hussam Abu Safyia, directeur du service de pédiatrie de l’hôpital Kamal Adwan , où ont été transportés de nombreuses victimes des frappes de Jabaliya, a déclaré que la majorité des personnes arrivées étaient des enfants. Beaucoup ont été gravement brûlés ou n’avaient plus aucun membre.

Mardi, après la première frappe à Jabaliya , l’hôpital a accueilli une quarantaine de personnes qui n’ont pas survécu et 250 autres blessées, a-t-il indiqué. Les chiffres étaient à peu près les mêmes mercredi, lorsqu’une autre grève a frappé . Jeudi, une frappe a endommagé une école des Nations Unies servant d’abri et envoyé une nouvelle vague de patients : 10 morts et 80 autres blessés.

“Je n’ai jamais vu de ma vie des blessures aussi graves”, a déclaré jeudi par téléphone le Dr Abu Safyia, ajoutant : “Nous avons vu des enfants sans tête”.

L’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, qui gère l’école, a déclaré que l’école faisait partie de quatre de ses abris – abritant près de 20 000 personnes au total – qui avaient été endommagés au cours des 24 heures précédentes. Vingt personnes auraient été tuées au refuge de Jabaliya, a indiqué l’agence, ainsi que trois personnes lors d’autres frappes contre les camps de Shati et Bureij.

L’armée israélienne a déclaré que lors de ses frappes sur Jabaliya, elle avait ciblé les commandants du Hamas qui ont joué un rôle clé dans les attaques du 7 octobre, qui, selon les responsables israéliens, ont tué plus de 1 400 personnes. L’armée a également déclaré que le Hamas disposait d’un vaste réseau de tunnels à Jabaliya.

Mercredi, le Dr Abu Safyia a déclaré qu’il travaillait avec un collègue dans l’unité de soins intensifs néonatals de l’hôpital – l’une des deux unités qui étaient encore alimentées en électricité en raison d’une grave pénurie de carburant – lorsque les blessés de Jabaliya ont commencé à arriver.

Lorsqu’ils se sont précipités aux urgences pour aider, a-t-il déclaré, sa collègue a été stupéfaite de voir que deux de ses propres enfants figuraient parmi les morts. Ses enfants de 9 et 7 ans ont été tués chez eux, a-t-il déclaré, ainsi que plusieurs de ses frères et sœurs et de ses proches.

“Nous travaillons dans un endroit où, à tout moment, nous nous attendons à ce que nos enfants, conjoints, frères et sœurs ou amis tombent en morceaux”, a-t-il déclaré.

Certains enfants n’ont pas pu être identifiés en raison de la gravité de leurs blessures, a-t-il précisé. La morgue de l’hôpital était si pleine que les gens empilaient les corps les uns sur les autres.

“Nous souhaitons la mort”, a déclaré le Dr Abu Safyia. “C’est plus facile que de voir les scènes d’horreur auxquelles nous assistons.”

Il a ensuite ajouté : “Des images en direct sont diffusées dans le monde entier de personnes détruites en morceaux, de femmes et d’enfants assassinés, pour quoi faire ? Qu’ont-ils fait de mal ?”

L’hôpital, situé dans la ville de Beit Lahia, juste au nord de Jabaliya, manquait extrêmement de fournitures médicales, comme tous les autres dans la bande de Gaza, a-t-il expliqué. Sans anesthésie, les médecins opéraient des personnes gravement blessées en utilisant des analgésiques en vente libre comme le paracétamol pour aider à soulager la douleur. Ils disposaient d’un stock limité d’antibiotiques et utilisaient du vinaigre et du chlore pour désinfecter les plaies, a ajouté le médecin.

“Les cris des enfants pendant les opérations chirurgicales peuvent être entendus de l’extérieur”, a déclaré le Dr Abu Safyia. “Nous opérons le crâne des gens sans anesthésie.”

Les médecins et les infirmières utilisaient les lampes de poche de leurs téléphones pour opérer dans l’obscurité, car une grave pénurie de carburant avait empêché les générateurs de l’hôpital d’alimenter seulement deux services : l’unité de soins intensifs néonatals et la salle d’urgence pédiatrique, où se trouvent 12 enfants. ventilateurs, a-t-il dit. Si le carburant vient à manquer, a-t-il ajouté, “l’hôpital se transformera en une fosse commune”.

Quelques heures plus tôt, le Dr Ashraf Al-Qudra, porte-parole du ministère de la Santé de Gaza dirigé par le Hamas, avait brandi le corps d’un enfant mort enveloppé dans un linceul lors d’une conférence de presse à l’hôpital Al-Shifa alors qu’il décrivait le nombre croissant de morts. .

Le ministère a déclaré que plus de 9 000 personnes avaient été tuées depuis le début des bombardements incessants d’Israël sur Gaza, dont plus de 3 000 enfants. De nombreux autres restent portés disparus ou ensevelis sous les décombres.

Le Dr Ghassan Abu-Sittah, un chirurgien plasticien anglo-palestinien bénévole à l’unité de traitement des brûlures de Shifa, a déclaré que l’hôpital – le plus grand de Gaza – avait reçu environ 70 patients suite aux frappes sur Jabaliya depuis mardi, et que beaucoup d’entre eux n’avaient pas de maison où retourner. .

Le personnel médical est mis à rude épreuve et le nombre de décès normalement évitables a commencé à augmenter, a-t-il déclaré. Chaque intervention chirurgicale se transformait en un exercice épuisant consistant à essayer d’utiliser le moins de ressources possible, a-t-il déclaré.

Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré que 16 des 35 hôpitaux de la bande étaient déjà hors service en raison de dommages ou d’un manque d’électricité. La maternité de Shifa est utilisée pour soigner les blessés et les femmes enceintes ont été transférées à l’hôpital d’Al-Hilo, qui, selon le ministère, a été endommagé par les bombardements de mercredi soir.

Les communications avec la ville de Gaza sont restées inégales, voire inexistantes, jeudi, après qu’une panne d’électricité pendant une grande partie de mercredi a empêché les ambulances et les secouristes de retrouver les blessés, a déclaré le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires.

Ahmad Sardah, un habitant de Jabaliya qui a déclaré que sa maison avait été endommagée par la frappe de mercredi, a pu envoyer un message rapide pendant un bref instant de connexion Internet avant que le contact ne soit à nouveau perdu.

“La situation est tragique” dans le quartier, a-t-il déclaré.

Il a déclaré dans un message sur Facebook qu’il a réussi à écrire jeudi : “Si seulement les amis et les parents qui sont à l’extérieur pouvaient nous dire ce qui se passe autour de nous au lieu de nous demander comment nous allons, car sans Internet et sans lignes téléphoniques, tout ce que nous entendons ce sont des frappes aériennes et des bombes. Où, comment, pourquoi et qui ? Aucun de nous ne le sait.”

Le Dr Ghassan Khatib, politologue à l’Université de Birzeit en Cisjordanie occupée, a déclaré que Jabaliya – à la fois le nom d’une ville et d’un camp de réfugiés à côté – avait la réputation d’être un bastion de la résistance à l’occupation israélienne depuis des années.

La première Intifada, un soulèvement qui a duré de 1987 à 1993, a commencé là-bas après que les habitants du camp ont été renversés par un véhicule israélien, a-t-il expliqué. Leurs funérailles sont devenues des manifestations qui se sont étendues au camp de réfugiés de Balata, dans la ville de Naplouse en Cisjordanie et ailleurs, a-t-il expliqué.

Tamara Alrifai, responsable de l’UNRWA, a déclaré jeudi lors d’un point de presse en ligne que l’agence estimait qu’environ 30 000 des 116 000 habitants du camp de Jabaliya étaient restés après l’ordre d’évacuation donné par Israël sous la menace de bombardements le mois dernier. Il n’était pas clair s’ils étaient tous partis vers le sud, comme indiqué, ou vers d’autres régions du nord de Gaza.

Les personnes déplacées à travers Gaza ont afflué vers les hôpitaux, dans l’espoir d’avoir plus de chances de se mettre en sécurité. L’hôpital Kamal Adwan héberge également plus de 3 000 personnes déplacées. Le Dr Abu Safyia est parmi eux et dort à peine. Il a dit qu’il allait parfois dans une pièce vide, fermait la porte et sanglotait.

“Ce sont des gens qui avaient des rêves, une vie, un avenir”, a-t-il déclaré. “Tout s’est terminé.”

02/11/2023, Un médecin de Gaza décrit des “scènes horribles” après les frappes aériennes israéliennes sur Jabaliya, The New York Times (traduction automatique)

Lire aussi :
02/11/2023, La destruction de Gaza marque la fin de la propagande israélienne, Chronique de Palestine.
Dossier PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

Remarques du Secrétaire général à l’ONU

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Monsieur le Président, avec votre permission, je ferai une petite introduction, puis je demanderai à mes collègues d’informer le Conseil de sécurité de la situation sur le terrain.

Excellences,

La situation au Moyen-Orient devient de plus en plus désastreuse d’heure en heure.

La guerre à Gaza fait rage et risque de s’étendre à toute la région.

Les divisions divisent les sociétés. Les tensions menacent de déborder.

À un moment crucial comme celui-ci, il est essentiel d’être clair sur les principes, à commencer par le principe fondamental du respect et de la protection des civils.

J’ai condamné sans équivoque les actes de terreur horribles et sans précédent perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre.

Rien ne peut justifier le meurtre, les blessures et l’enlèvement délibérés de civils – ou le lancement de roquettes contre des cibles civiles.

Tous les otages doivent être traités humainement et libérés immédiatement et sans conditions. Je note respectueusement la présence parmi nous de membres de leurs familles.

Excellences,

Il est également important de reconnaître que les attaques du Hamas ne se sont pas produites en vase clos.

Le peuple palestinien est soumis à 56 ans d’occupation étouffante.

Ils ont vu leurs terres progressivement dévorées par les colonies et en proie à la violence ; leur économie était étouffée ; leurs habitants ont été déplacés et leurs maisons démolies. Leurs espoirs d’une solution politique à leur sort se sont évanouis.

Mais les griefs du peuple palestinien ne peuvent justifier les attaques effroyables du Hamas. Et ces attaques épouvantables ne peuvent justifier la punition collective du peuple palestinien.

Excellences,

Même la guerre a des règles.

Nous devons exiger que toutes les parties respectent leurs obligations en vertu du droit international humanitaire ; veiller constamment dans la conduite des opérations militaires à épargner les civils ; et respecter et protéger les hôpitaux et respecter l’inviolabilité des installations de l’ONU qui abritent aujourd’hui plus de 600 000 Palestiniens.

Les bombardements incessants de Gaza par les forces israéliennes, le nombre de victimes civiles et la destruction massive de quartiers continuent de s’intensifier et sont profondément alarmants.

Je pleure et honore les dizaines de collègues de l’ONU travaillant pour l’UNRWA – malheureusement au moins 35 – tués dans les bombardements de Gaza au cours des deux dernières semaines.

Je dois à leurs familles ma condamnation de ces meurtres et de nombreux autres meurtres similaires.

La protection des civils est primordiale dans tout conflit armé.

Protéger les civils ne peut jamais signifier les utiliser comme boucliers humains.

Protéger les civils ne signifie pas ordonner à plus d’un million de personnes d’évacuer vers le sud, où il n’y a ni abri, ni nourriture, ni eau, ni médicaments ni carburant, puis continuer à bombarder le sud lui-même.

Je suis profondément préoccupé par les violations flagrantes du droit international humanitaire dont nous sommes témoins à Gaza.

Soyons clairs : aucune partie à un conflit armé n’est au-dessus du droit international humanitaire.

Excellences,

Heureusement, une certaine aide humanitaire arrive enfin à Gaza.

Mais il s’agit d’une goutte d’aide dans un océan de besoins.

De plus, nos réserves de carburant de l’ONU à Gaza s’épuiseront d’ici quelques jours. Ce serait un autre désastre.

Sans carburant, l’aide ne peut pas être acheminée, les hôpitaux n’auront pas d’électricité et l’eau potable ne peut être purifiée ni même pompée.

La population de Gaza a besoin d’une aide continue à un niveau qui correspond à ses énormes besoins. Cette aide doit être fournie sans restrictions.

Je salue nos collègues des Nations Unies et nos partenaires humanitaires à Gaza qui travaillent dans des conditions dangereuses et risquent leur vie pour fournir de l’aide à ceux qui en ont besoin. Ils sont une source d’inspiration.

Pour atténuer les souffrances épiques, rendre l’acheminement de l’aide plus facile et plus sûr et faciliter la libération des otages, je réitère mon appel en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Excellences,

Même en cette période de danger grave et immédiat, nous ne pouvons pas perdre de vue le seul fondement réaliste d’une paix et d’une stabilité véritables : une solution à deux États.

Les Israéliens doivent voir leurs besoins légitimes de sécurité se matérialiser, et les Palestiniens doivent voir se réaliser leurs aspirations légitimes à un État indépendant, conformément aux résolutions des Nations Unies, au droit international et aux accords antérieurs.

Enfin, nous devons être clairs sur le principe du respect de la dignité humaine.

La polarisation et la déshumanisation sont alimentées par un tsunami de désinformation.

Nous devons résister aux forces de l’antisémitisme, du sectarisme anti-musulman et de toutes les formes de haine.

Monsieur le Président,

Excellences,

Aujourd’hui, c’est la Journée des Nations Unies, qui marque le 78e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies.

Cette Charte reflète notre engagement commun à faire progresser la paix, le développement durable et les droits de l’homme.

En cette Journée des Nations Unies, à cette heure critique, j’appelle tous à se retirer du gouffre avant que la violence ne fasse encore plus de victimes et ne se propage encore plus loin.

Merci beaucoup.

24/10/2023, Secretary-General’s Remarks to the Security Council on the Middle East, ONU (traduction automatique)

Lire aussi :
Dossier PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

Les larmes d’António Guterres

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Le 13 octobre, l’ONU a publié le document “Pourquoi Israël doit reconsidérer son ordre d’évacuation de Gaza” rédigé par António Guterres [1]. L’intitulé pourrait faire croire que le Secrétaire général condamne le blocus total et les bombardements de la bande de Gaza par l’armée israélienne. Mais il avoue rapidement sa véritable préoccupation :

I mourn my colleagues in Gaza who have already lost their lives in the last week. And still, United Nations personnel are working nonstop to support the people of Gaza. We will continue to do so.
Je pleure mes collègues de Gaza qui ont perdu la vie la semaine dernière. Et pourtant le personnel des Nations Unies travaille sans relâche pour soutenir la population de Gaza. Nous continuerons à le faire.

Les larmes d’António Guterres sont d’autant plus indécentes que des fonctionnaires de l’UNRWA, payés pour protéger les Palestiniens de la bande de Gaza, ont déserté leur poste pour sauver leur peau ! Certains ont donné comme excuse que le Hamas les empêchait de travailler alors qu’ils fuyaient évidemment les bombes israéliennes.

L’ONU est responsable de cette tragédie car elle n’a absolument rien fait pour contraindre l’État d’Israël à respecter les multiples résolutions votées depuis 75 ans. Rédigées pour se donner bonne conscience, elles sont restées des chiffons de papier. L’UNRWA, créé le 8 décembre 1949, est rapidement devenu une bureaucratie qui défend l’occupation car elle est sa raison d’être.

Cette écoeurante comédie prend fin ! Dans les larmes et dans le sang certes, mais l’hypocrisie occidentale est aujourd’hui rejetée par la majorité des pays. Une intense bataille diplomatique se déroule en ce moment avec d’un côté la Chine et la Russie et de l’autre les États-Unis qui, de plus en plus isolées, ont beaucoup de mal à gérer les luttes intestines entre Républicains et Démocrates, la guerre militaire en Ukraine contre la Russie et la guerre commerciale contre la Chine.

16/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

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Dossier PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
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Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.


Notes


[1] Lire : Why Israel Must Reconsider Its Gaza Evacuation Order, ONU.

Le gouvernement contesté par les Israéliens se venge sur les Palestiniens

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La réaction du gouvernement israélien à l’attaque du Hamas était prévisible. Il fait ce qu’il a toujours fait : infliger une punition collective à la population palestinienne en renforçant le blocus de Gaza. Ainsi, Benjamin Netanyahu a décidé un blocus total, c’est-à-dire l’arrêt de la fourniture de l’eau, du gaz, de l’électricité, de la nourriture et des médicaments. Le message est clair : Qu’ils crèvent !

L’État d’Israël renforce l’ordre coloniale sur les territoires occupés avec les mêmes méthodes que celles du gouvernement français en Algérie. Toutes les anciennes puissances coloniales approuvent la guerre contre les Palestiniens. Les États-Unis envoient des armes à Israël et l’Union européenne bloque l’aide aux réfugiés palestiniens [1]. Or, comme en Algérie, le terrorisme d’État alimente le terrorisme de résistance. Détail qui échappe à tout le monde !

Nous sommes en guerre a martelé plusieurs Benjamin Netanyahu samedi matin. L’im-Monde prétend sans rire que “C’est un contre-emploi, mais Benyamin Nétanyahou est devenu un premier ministre de guerre.” Qu’a fait Benjamin Netanyahu depuis 1996 ? Il a favorisé le Hamas pour affaiblir l’Autorité palestinienne [2].
Les gouvernements israéliens sont en guerre contre les Palestiniens depuis le 14 mai 1948, jour de la création de l’État d’Israël réalisé aux dépens des Palestiniens et avec la complicité des puissances occidentales qui n’ont pas respecté le plan de partage de la Palestine voté le 29 novembre 1947 par l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’occupation des territoires palestiniens est toujours considérée comme illégale selon le droit international, mais tout le monde s’en fout !

Il ne faut pas être dupe. L’attaque du Hamas est une aubaine pour Benjamin Netanyahu et son gouvernement d’extrême droite qui est fragilisé par l’opposition massive des Israéliens au projet de réforme judiciaire. De hauts responsables de la police, de l’armée et du Shin Bet ont exprimé publiquement leurs désaccords. Beaucoup de réservistes ont refusé de faire leur période. Depuis des mois, les manifestants campaient à la porte des ministres. Benjamin Netanyahu mobilise car la guerre fait taire les opposants qui rejoignent l’Union sacrée pour défendre la patrie en danger [3].

Tout le monde compatit pour les victimes israéliennes, mais personne pour les victimes palestiniennes !
Tout le monde condamne le terrorisme du Hamas, mais personne le terrorisme de 75 ans d’occupation de la Palestine !
Les Palestiniens sont seuls, désespérément seuls. L’ONU n’a jamais respecté la résolution 181 du 29 novembre 1947. L’UNRWA, créé le 8 décembre 1949, est rapidement devenu une bureaucratie qui défend l’occupation car elle est sa raison d’être. Les gouvernements arabes ont instrumentalisé la cause palestinienne pour leurs intérêts propres. Les directions de la résistance palestinienne ont fait faillite en collaborant avec l’occupant. Les organisation pro-palestiniennes occidentales sont devenues de simples porte-paroles, y compris du Hamas, voire des collaborateurs du Mossad [4].

Personne ne se pose de question sur la vie quotidienne des Gazaouis. La bande de Gaza est un territoire de 365 km² où survivent 2 200 000 Palestiniens (5 500 habitants au km²) dont la majorité sont des réfugiés. La ville de Gaza (45 km²) est plus petite que Rennes (50,39 km²), mais sa population (667 000) est plus de trois fois plus élevée que celle de la capitale bretonne (215  366) [5]. Cette prison à ciel ouvert est entièrement clôturée par une barrière de sécurité. Les entrées et sorties des personnes, des marchandises et des services (eau, gaz, électricité) sont totalement contrôlées par les autorités israéliennes. De fait, Gaza est un camp de concentration israélien… administré par le Hamas depuis 2006. Israël a reproduit le système des ghettos dans lesquels le Judenrat (Conseil juif) servait d’intermédiaire entre les autorités nazies et la population.
Par exemple, les permis de travail en Israël ne sont attribués directement aux travailleurs palestiniens, mais aux responsables du Hamas qui les répartissent selon leurs critères. Toute la vie quotidienne des Gazaouis, imposée de loin par Israël, dépend de leur proximité avec les divers bureaucrates du Hamas et donc de leur allégeance à ces derniers.

Benjamin Netanyahu et son gouvernement veulent éliminer le Hamas de Gaza. Tout le monde applaudit, mais à supposer qu’ils réussissent, ils devront alors administrer directement leur colonie et s’exposer à une confrontation avec les Palestiniens car il naîtra inévitablement une organisation de résistance qui, comme l’Organisation juive de combat du ghetto de Varsovie, réalisera une insurrection des Gazaouis contre l’occupant israélien.

Au risque de déplaire, je conseille vivement la lecture de cet article : Israël a reçu le dernier avertissement, RIA Novosti (traduction automatique).

09/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.


Notes


[1] Il semble que cette mesure de représailles fasse grincer quelques dents, mais l’annonce est significative de l’état d’esprit des dirigeants européens qui ont abandonné les Palestiniens depuis longtemps.
– 10/10/2023, Rétropédalage de l’UE après l’annonce de l’arrêt des aides versées aux Palestiniens, The Times of Israël.
– 09/10/2023, Le soutien militaire unilatéral des États-Unis à Israël alimente les tensions, Global Times (traduction automatique).

[2] Lire :
– 08/10/2023, Scénario connu d’une guerre annoncée, Monde en Question.
– 08/10/2023, Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas – Aujourd’hui, on en paie le prix, The Times of Israël.

[3] Lire :
– Revue de presse 2023, Monde en Question.
– Revue de presse 2022, Monde en Question.

[4] Lire :
– 18/03/2011, Le Fatah et le Hamas unis contre les Palestiniens, Monde en Question.
– 20/11/2012, Échec du nationalisme palestinien, Monde en Question.

[5] Note du 13/10/2023 : Merci à la lectrice rennaise dont la remarque m’a permis de préciser les chiffres entre la bande de Gaza et la ville de Gaza.
Lire aussi: Carte de la bande de Gaza, Monde en Question.

Gaza : de jeunes conscrits parlent

Comme promis, voici la traduction du document qui fait parler. De jeunes conscrits s’expriment en toute liberté sur ce qu’ils ont vu ou vécu à Gaza. Il ne faut pas s’attendre à des récits de boucherie, mais plutôt à des descriptions de «petits meurtres ordinaires». Ce qui frappe, au premier abord, c’est la franchise, pour ne pas dire la candeur, de ces jeunes soldats. Certains sont révoltés, d’autres ont un langage quasi désincarné et parlent technique militaire. Ce qui frappe aussi : le décalage entre conscrits et réservistes, et le rôle pour le moins trouble que joue le rabbinat, qui fait passer chez les soldats un message proche du messianisme et de la guerre sainte. La naïveté de ces jeunes soldats, scandalisés qu’une famille palestinienne dont certains membres font partie du Hamas ait pu faire ami-ami avec eux en leur «mentant» (ils sauvaient leur peau, quand même !). Et bien d’autres choses (chacun est libre de tirer ses propres conclusions à partir d’un texte brut comme celui-ci. L’impression qui se dégage est qu’à Gaza, tout était permis et que les supérieurs hiérarchiques ont laissé faire, au mieux. Certains médias, juifs en particulier, préféreront parler des erreurs (réelles) de la presse, par exemple au sujet du vrai-faux bombardement de l’école de l’UNRWA. Mais l‘arbre cache la forêt. Peut-être serait-il temps de regarder les choses en face. La guerre de Gaza a été de la sauvagerie (outre le fait que, sur le plan politique, elle a été inutile, mais c’est une autre histoire). Le discours final, consterné, de l’instructeur en chef de ces jeunes conscrits en dit long.

Moins d’un mois après l’opération militaire dans la bande de Gaza [1] , plusieurs dizaines de diplômés du programme de préparation prémilitaire «Itzhak Rabin» étaient réunis au Collège d’Oranim à Kiryat Tivon. Depuis 1998, ce progamme a préparé ses participants à ce qui est considéré comme un service militaire «à contenu». Nombreux sont ceux qui ont un rôle majeur dans des unités combattantes ou d’élite de l’armée. Le fondateur du programme, Danny Zamir, le dirige encore aujourd’hui et accomplit également ses périodes de réserve en tant que sous-commandant d’un bataillon.

Vendredi 13 février, Zamir avait invité des soldats et des officiers qui avaient suivi son programme pour un long débat sur leurs expériences à Gaza. Ils se sont exprimés ouvertement, mais avec une frustration considérable.

Ce qui suit est composé de longs extraits de la transcription de cette rencontre, publiée mercredi dans le bulletin du programme, Briza. Les noms des soldats ont été modifiés pour préserver leur anonymat. La rédaction de Briza a aussi choisi de ne pas publier certains des détails qui concernent l’identité d’une unité dont la conduite à Gaza s’est révélée problématique.

Danny Zamir : «Ce soir, notre intention n’est pas d’évaluer les résultats et l’importance diplomatico-politique de cette opération, ni des aspects militaires systémiques. Mais un débat est nécessaire parce que, tous l’ont dit, cela a été une action militaire exceptionnelle dans le sens où elle a fixé de nouvelles limites au code éthique, aussi bien dans l’histoire de Tshal que dans celle d’Israël dans son ensemble. Il s’agit d’une action qui a causé des destructions massives chez des civils. Je ne suis pas certain qu’il aurait été possible de faire autrement, mais au bout du compte, nous en avons fini avec cette opération et les Qassams ne sont pas paralysées. Il est fort possible que cette opératin se répète, sur une plus grande échelle, dans les années à venir, parce que le problème que pose la bande de Gaza n’est pas simple et il n’est pas du tout certain qu’il soit résolu. Ce que nous souhaitons ce soir, c’est entendre les combattants.»

Aviv : «Je commandais une compagnie de la brigade Givati encore à l’entraînement. Nous sommes entrés dans un quartier de la partie sud de la ville de Gaza. En gros, c’était une expérience étrange. Pendant l’entraînement, on attend le jour où l’on va entrer dans Gaza, et à la fin, on se rend compte que ce n’est pas vraiment ce qu’on t’a raconté. C’était plus comme, genre, tu t’empares d’une maison, tu fiches les occupants dehors et tu t’installes. Nous sommes restés dans une maison environ une semaine.»

«Vers la fin de l’opération, il y a eu un plan pour entrer dans une zone de Gaza densément peuplée. Dans les briefings, ils ont commencé à nous parler d’ordres d’ouvrir le feu à l’intérieur de la ville parce que, comme vous le savez, ils ont utilisé une puissance de feu considérable et tué en chemin un nombre énorme de gens, afin qu’on ne nous tire pas dessus et qu’on ne se fasse pas tuer. Au début, l’action consistait à entrer dans une maison. Nous étions censés y entrer avec un véhicule de transport blindé appelé « Akhzarit  » (liitéralement ; «cruel») pour nous introduire à l’intérieur par la porte du rez-de-chaussée et de commencer à tirer une fois à l’intérieur et puis … J’appelle ça un meurtre .. De fait, nous devions monter étage par étage et toute personne que nous voyions, nous devions la tuer. Je me suis demandé : où est la logique dans tout ça ?»

«Au-dessus de nous, on nous a dit que c’était permis, parce quiconque était resté dans le secteur et à l’intérieur de Gaza était de fait condamné, un terroriste, parce qu’ils ne s’étaient pas enfuis. J’ai eu du mal à comprendre : d’un côté, ils n’ont pas vraiment où fuir, mais de l’autre on nous dit que s’ils n’ont pas fui, c’est de leur faute… Ca m’a aussi fait un peu peur. J’ai tenté d’exercer un peu d’influence pour changer cela, autant qu’il était possible depuis ma position de subordonné. A la fin, l’ordre a consisté à entrer dans une maison, de se servir de mégaphones et de dire aux occupants : « Allez, tout le monde dehors, vous avez cinq minutes, quittez la maison, quiconque ne le fait pas sera tué.« »

«Je suis allé voir les soldats et leur ai dit : « les ordres ont changé. On entre dans la maison, ils ont cinq minutes pour partir, on les fouille pour voir s’ils n’ont pas d’armes, et alors seulement, on commence à investir la maison étage par étage pour nettoyer tout ça… Cela veut dire, entrer dans la maison, ouvrir le feu sur tout ce qui bouge, lancer une grenade, tout ça. Et alors, il s’est passé un truc très troublant. L’un de mes soldats est venu me voir et m’a demandé : « Pourquoi ? » J’ai dit : « Qu’est-ce qui n’est pas clair ? On ne veut pas tuer des civils innocents. » Lui : « Ah ouais ? Tous ceux qui sont là-dedans sont des terroristes, c’est bien connu. » Je dis : « Tu penses que ces gens vont vraiment s’enfuir ? Non, personne ne va fuir » Il répond : « C’est clair« . Et ses copains se joignent à lui : « Il faut tuer tous ceux qui sont là-dedans. Ouais, toute personne qui se trouve à Gaza est un terroriste », et tous les autres trucs dont les médias nous farcissent la tête

«Alors, j’essaie d’expliquer au gars que tout le monde là-bas n’est pas terroriste et que, après qu’il aura tué, disons, trois enfants et quatre mères, il montera à l’étage supérieur et tuera encore une vingtaine de personnes. Finalement, il s’avère que la maison a 8 étages, 5 appartements par étage, quelque chose comme 40 – 50 familles à tuer. J’ai essayé d’expliquer qu’il fallait les laisser partir, et seulement alors investir la maison. Ca n’a pas servi à grand-chose. C’est vraiment frustrant de constater que pour eux, dans Gaza, ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent, casser des portes ou des maisons, tout ça parce que c’est cool.»

«L’iimpression donnée par les officiers est qu’il n’y a aucune logique là-dedans mais qu’ils laissent faire. Ecrire ‘mort aux Arabes’ sur les murs, prendre des photos de famille et cracher dessus, seulement parce qu’on peut. Je pense que c’est la chose la plus importante pour comprendre dans quoi l’éthique de Tshal est tombée, vraiment, c’est ce dont je me souviendrai.»

«L’un de nos officiers, qui commande une compagnie, a vu quelqu’un arriver sur une route, une femme, une vielle femme. Elle marchait, assez loin, mais assez près pour s’en prendre à elle. Suspecte ou pas ? Je ne sais pas. Finalement, l’officier a envoyé des hommes sur le toit pour l’éliminer. Par la description de cette histoire, j’ai senti qu’il s’agissait d’un meurtre de sang-froid.»

Zamir : «Je ne comprends pas. Pourquoi a-t-il fait tirer sur elle ?»

Aviv : «C’est ce qu’il y a de bien, genre, à Gaza. Tu vois quelqu’un marcher sur une route. Il n’a pas besoin d’être armé, tu n’as pas besoin de l’identifier, tu tires et c’est tout. Avec nous c’était une vieille femme, sur qui je n’ai vu aucune arme. L’ordre était dé l’éliminer au moment où tu la voyais.»

Tzvi : «Les descriptions d’Aviv sont exactes, mais il est possible de comprendre d’où ça vient. Et cette femme, on ne sait jamais si… Elle n’avait pas à être là, il y a eu des annonces, des bombardements. La logique dit qu’elle n’autait pas dû se trouver là. La façon dont tu le décris, un meurtre de sang-froid, ce n’est pas bien. On sait qu’ils ont des éclaireurs et tout ça.»

Gilad : «Avant même que nous ne rentrions, le commandant du bataillon a été très clair : une leçon importante de la guerre du Liban a été tirée sur la manière dont Tsahal entre, avec beaucoup de feu. L’intention était de protéger les soldats par la puissance de feu. Dans l’opération, les pertes de Tsahal ont été vraiment minimes, et le prix a été que beaucoup de Palestiniens ont été tués.»

Ram : «Je fais mon service dans une compagnie de la brigade Givati. Après que nous sommes entrés dans les premières maisons, il y a eu une maison avec une famille à l’intérieur. L’entrée a été relativement calme. Nous n’avons pas ouvert le feu, nous n’avons fait que crier à tout le monde de descendre. Nous les avons placés dans une pièce, puis nous avons quitté la maison pour y entrer par une autre issue. Quelques jours plus tard, l’ordre a été donné de libérer la famille. Les soldats avaient pris position sur le toit, avec un sniper. Le commandant du peloton a laissé la famille sortir et leur a dit de prendre à droite. Une mère et ses deux enfants n’ont pas compris et ont pris à gauche, mais on avait oublié de dire au sniper sur le toit qu’ils étaient libres de partir, que ça allait et qu’il ne devait pas tirer et il … il a fait ce qu’il avait à faire, il suivait les ordres, c’est-à-dire.»

Question du public : «A quelle distance cela se passait-il ?»

Ram : «Environ 100 à 200 mètres. Les gens étaient sortis de la maison, ils avaient avancé un peu, et soudain il les a vus, des gens qui se déplaçaient dans une zone où il était interdit de circuler. Je ne crois pas qu’il se soit senti mal à cause de ça. Après tout, pour ce qui le concernait, il avait accompli son job selon les ordres qu’il avait reçus. Et l’atmosphère générale, d’après ce que j’ai compris de ce que m’ont dit mes hommes … Je ne sais pas comment le décrire … La vie des Palestiniens, disons, comptait beaucoup beaucoup moins que la vie de nos soldats. Pour leur part, ils peuvent justifier ça ainsi.»

Youval Friedman (instructeur en chef au programme Rabin) : «Il n’y a pas eu un ordre permanent précisant qu’il fallait une autorisation pour ouvrir le feu ?»

Ram : «Non. Cet ordre existe, au-delà d’une certtaine ligne. L’idée est que tu as peur qu’ils ne t’échappent. Si un terroriste s’approche de trop près, il pourrait faire exploser la maison ou quelque chose comme ça.»

Zamir : «Après une tuerie comme ça, par erreur, Tsahal procède-t-il à une quelconque enquête ? Examine-t-on ce qui aurait pu être corrigé ?»

Ram : «Pour l’instant, personne n’est venu de l’unité d’enquête de la police militaire. Il n’y a eu aucune … Pour tous les incidents, il y a des enquêtes individuelles et des évaluations d’ordre général sur la conduite de la guerre. Mais ils ne se sont pas attachés à ça en particulier.»

Moshe : «L’attitude est très simple. Ce n’est pas agréable à dire, mais tout le monde s’en fiche. On n’enquête pas là-dessus. C’est du combat, de la routine en matière de sécurité.»

Ram : «Ce dont je me souviens en particulier, c’est qu’il régnait au début un sentiment de mission quasi religieuse. Mon sergent étudie dans une yeshiva. Avant l’attaque, il a réuni tout le bataillon et conduit une prière pour ceux qui partaient se battre. Un rabbin de brigade se trouvait là. Après, le rabbin est venu dans Gaza et s’est déplacé dans tous les sens pour nous taper sur l’épaule, nous encourager et prier avec d’autres. Quand nous étions à l’intérieur [de Gaza], ils nous envoyaient aussi ces livrets remplis de psaumes, une tonne de psaumes. Je pense que, au moins dans la maison où nous sommes restés une semaine, on aurait pu remplir la maison avec tous les psaumes qu’ils nous ont envoyés, et d’autres livrets du même genre.»

«Il y avait un fossé immense entre ce que l’Education militaire nous envoyait et ce que nous envoyait le rabbinat militaire. L’Education a publié un argumentaire pour les officiers, quelque chose sur l’histoire d’Israël qui s’est battu à Gaza, depuis 1948 jusqu’à nos jurs. Le rabbinat a apporté un tas de petits livres et d’articles et … le message était très cliar. Nous sommes le peuple d’Israël, nous sommes venus sur cette terre par miracle, Dieu nous a ramenés sur cette terre, et maintenant, nous devons combattre pour expulser les Gentils, qui nous gênent dans notre conquête de la terre sainte. C’était ça le message principal, et beaucoup de soldats avaient le sentiment que cette opération était une guerre religieuse. Depuis ma position d’officier qui devait «expliquer», j’ai essayé de parler de politique, des courants dans la société palestinienne, du fait que tout le monde à Gaza n’appartenait pas au Hamas, et que tous les habitants ne cherchaient pas à nous abattre. J’ai voulu expliquer aux soldats que cette guerre n’était pas pour la sanctification de Dieu, mais pour arrêter les Qassams.»

Zamir : «J’aimerais demander aux pilotes parmi nous, Gideon et Yonatan, de nous donner un peu leur point de vue. En tant que fantassin, cela m’a toujours intéressé. Quelle impression a-t-on quand on bombarde une ville comme ça ?»

Gideon : «D’abord, à propos de ce que tu as dit sur la folle puissance de feu. Depuis le tout début des raids aériens, les quantités de feu ont été impressionnantes, et c’est essentiellement ce qui a poussé les gens du Hamas à se cacher dans les abris les plus souterrains et les a empêchés de se montrer jusque environ deux semaines après les combats. En général, la manière dont ça fonctionne pour nous, juste pour que vous compreniez un peu les différences, c’est que j’arrivais la nuit à l’escadrille, j’effectuais un raid sur Gaza et puis je rentrais chez moi dormir à Tel Aviv, au chaud dans mon lit. Je ne suis pas coincé dans un lit dans une maison palestinienne, la vie est un peu meilleure.»

«Avec mon escadrille, je ne vois pas un terroriste qui lance une Qassam, puis décide de décoller et de l’avoir. Il y a tout un système pour nous soutenir, qui nous sert d’yeux et d’oreilles, et des renseignements pour chaque avion qui décolle et qui créent de plus en plus de cibles en temps réel, chacune avec un niveau de légitimité plus ou moins grand. En tout cas, j’essaie de croire que ces cibles sont déterminées selon le dégré de légitimité le plus haut possible.»

«Ils [les pilotes] lâchaient des tracts sur Gaza, tiraient parfois un missile depuis un hélicoptère sur le coin d’une maison, juste pour secouer un peu la maison et faire fuir tout le monde. Ces techinques ont marché. Les familles sont sorties, et vraiment, quand les soldats sont entrés dans les maisons, elles étaient assez vides, au moins de civils innocents. De ce point de vue, ça a marché.»

«En tout cas, j’arrive à l’escadrille, on me donne une cible, une description et des coordonnées. En gros, je m’assure simplement que ça ne se trouve pas à l’intérieur de nos lignes. Je regarde la photo de la maison que je suis censé attaquer, je vois qu’elle correspond à la réalité, je décolle, je pousse sur le bouton et la bombe atterrit toute seule dans un rayon d’un mètre de la cible.»

Zamir : «Chez les pilotes, y a-t-il aussi des paroles ou des sentiments de remords ? Par exemple, j’ai été été terriblement surpris par l’enthousiasme qui a accompagné la tuerie des policiers de la circulation de Gaza, le premier jour de l’opération. Ils ont tué 180 flics. En tant que pilote, j’aurais remis ça en question.»

Gideon : «Il y a deux aspects à ça. Sur le plan tactique, tu les appelles de « policiers ». Dans tous les cas, ils sont armés et appartiennent au Hamas … En des temps meilleurs, ils prennent des gens du Fatah, les jettent des toits et voient ce qui se passe. Concernant ce qu’on pense, tu passes du temps avec ton escadrille et il y a quantité de débats sur l’importance du combat et des valeurs qui lui sont attachées, sur ce que nous faisons, il y a de quoi parler. Mais à partir du moment où tu démarres le moteur jusqu’à ce que tu l’éteignes, toutes tes pensées, toute ta concentration et ton attention sont sur la mission que tu dois effectuer. Si tu as un doute injustifié, tu es susceptible de causer une bavure encore plus grande et détruire une école avec 40 enfants. Si le bâtiment touché n’est pas celui que j’étais censé toucher, mais une maison avec des gars à nous à l’intérieur, le prix de l’erreur est très très grand.»

Question du public : «Y a-t-il eu quelqu’un dans l’escadrille qui n’a pas appuyé sur le bouton, qui y a réfléchi à deux fois ?»

Gideon : «Il faut poser la question à ceux qui participent à des opérations par hélicoptère, ou aux types qui voient ce qu’ils font. Avec les armes que j’utilisais, ma capacité de prendre une décision en contradiction avec ce qu’on m’a dit était proche de zéro. Je lâche la bombe d’une distance où je peux voir toute la bande de Gaza. Je vois aussi Haïfa, je vois aussi le Sinaï, mais c’est plus ou moins la même chose. Ca fait vraiment très loin.»

Yossi : «Je suis sergent dans un peloton de parachutistes. Nous étions dans une maison et avons découvert une famille à l’intérieur qui n’était pas censée se trouver là. Nous les avons rassemblés dans le sous-sol, posté deux gardes et nous sommes assurés qu’ils ne causeraient pas d’ennuis. Au fur et à mesure, la distance émotionnelle entre nous s’est estompée : nous avons fumé des cigarettes ensemble, bu du café avec eux, parlé du sens de la vie et des combats à Gaza. Après de nombreuses conversations, le propriétaire de la maison, un homme âgé de plus de 70 ans, disait qu’il était bon que nous soyons à Gaza et qu’il était bon que Tsahal y fasse ce qu’il faisait. Le lendemain, nous avons fait interroger l’homme et son fils. Le jour d’après, nous avons reçu une réponse : tous les deux étaient des militants politiques du Hamas. C’était assez troublant, ils te disent combien c’est bien que tu sois là, bla bla bla, et tu découvres qu’ils t’ont menti pendant tout ce temps. Ce qui m’a ennuyé le plus a été qu’à la fin, après que nous avions compris que les membres de cette famille n’étaient pas exactement des amis et qu’ils méritaient pas mal d’être fichus dehors, le commandant du peloton nous a suggéré, quand nous quitterions la maison, de nettoyer, ramasser toutes les ordures dans des sacs, balayer et nettoyer le sol, plier les couvertures que nous avions utiliées, mettre en piles les matelas et les remettre sur les lits.»

Zamir : «Que veux-tu dire ? Toutes les unités qui ont quitté une maison n’ont pas fait ça ?»

Yossi : «Non, pas du tout. Au contraire. Dans la plupart des maisons, des graffitis ont été laissés, des choses comme ça.»

Zamir : «C’est se conduire comme des animaux.»

Yossi : «Tu n’es pas censé te concentrer sur du pliage de couvertures quand on te tire dessus.»

Zamir : «Je n’ai pas beaucoup entendu qu’on vous tirait dessus. Ce n’est pas que je vous fasse des reproches, mais quand on passe une semaine chez des gens, on nettoie ses saletés.»

Aviv : «Un jour, j’ai reçu un ordre. Tout l’équipement de la maison, tous les meubles : nettoyer toute la maison. Nous avons tout jeté, tout, par les fenêtres de façon à faire de la place. Tout le contenu de la maison a volé par les fenêtres.»

Yossi : «Il y a eu un jour où une Katiusha, un missile Grad, est tombée sur Beer Sheva et une mère et son bébé ont été blessés. C’étaient des voisins de l’un de mes soldats. Nous avons entendu toute l’hitsoire à la radio, et il n’a pas pris à la légère le fait que ses voisins aient été blessés. Le gars était un peu sur les nerfs, on peut le comprendre. Dire à quelqu’un comme ça : « Allez, on va laver le sol de la maison d’un militant du Hamas, qui vient de tirer une Katiusha sur tes voisins, qui ont eu une jambe amputée« , ce n’est pas facile à faire, en particulier si l’on n’est pas du tout d’accord avec ça. Quand mon officier a dit : « OK, dis à tout le monde de plier les couvertures et d’empiler les matelas« , je l’ai mal pris. Ca a gueulé pas mal. Finalement, j’ai été convaincu et je me suis rendu compte que c’était la bonne chose à faire. Aujourd’hui j’apprécie et même, je l’admire, le commandant, pour ce qui s’est passé là-bas. Au fond, je ne pense pas que n’importe quelle armée, syrienne ou afghane, aurait nettoyé le sol de maisons de son ennemi, ni plié des couvertures, ni qu’elle les aurait rangées dans les armoires.»

Zamir : «Je pense qu’il serait important que les parents se réunissent ici et entendent cette discussion. Je pense qu’elle serait très instructive, et aussi consternante et déprimante. Vous décrivez une armée aux normes éthiques très basses, c’est la vérité … Je ne vous juge pas et je ne vous fais pas de reproches. Je vous répercute seulement ce que je ressens après avoir entendu vos histoires. Je n’étais pas à Gaza, et je suppose que, chez les réservistes, le niveau de retenue et de contrôle se soi seraient plus haut, mais je pense que, globalement, vous décrivez et reflétez le genre de situation dans laquelle nous nous sommes trouvés. Après la guerre de 1967, quand les gens sont revenus du combat, ils se sont réunis en cercles et ont décrit ce par quoi ils étaient passés. Pendant des années, ceux qui ont fait ça ont été décrits sous l’expression « On tire et on pleure ». En 1983, quand nous sommes revenus de la guerre du Liban, on a dit les mêmes choses sur nous. Nous devons réfléchir à ce qui nous est arrivé. Nous devons nous colleter avec ça, pour établir des normes nouvelles, ou différentes. Il est très possible que le Hamas ou l’armée syrienne auraient eu un comportement différent du mien. Mais le point essentiel est que nous ne sommes ni le Hamas, ni l’armée syrienne ni égyptienne. Si des religieux nous oignent d’huile et nous collent des livres sacrés entre les mains, et si les soldats de ces unités ne sont pas représentatifs de tout le spectre du peuple juif, mais seulement de certains secteurs de la population, à quoi devons-nous nous attendre ? A qui faisons-nous des reproches ?

En tant que réservistes, nous prenons assez peu au sérieux les ordres des officiers de brigade. Nous laissons passer les vieux et les familles. Pourquoi tuer des gens quand vous savez très bien que ce sont des civils ? Quel aspect de la sécurité d’Israël sera menacé, qui sera touché ? Faites preuve de discernement, soyez humains.»

Publié par La Paix Maintenant traduit Traduction par Gérard Eizenberg selon Ha’aretz.

Lire aussi :
• Crimes de guerre confirmés à Gaza, l’Humanité.
• Gaza : La vérité pointe sur les exactions israéliennes, Lutte Ouvrière.
• Gaza : les témoignages accablants des soldats israéliens, Libération.
• Gaza : Réactions aux témoignages israéliens sur les crimes de guerre, Global Voices.


[1] L’armée israélienne est fort inventive quand il s’agit de nommer ses opérations. Les références sont le plus souvent bibliques. En tant que «traducteur engagé», tant que ce nom n’apporte aucune information, je me refuse dorénavant à suivre cette manie de mêler les références bibliques à des opérations militaires. Pour info, l’expression «Plomb durci» est tirée d’un poème de Bialik consacré à la fête de Hanouka, censé être chanté par de jeunes enfants ; l’opération a été déclenchée au moment de Hanouka (ndt).