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Israël creuse sa propre tombe

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J’ai découvert par hasard cet article publié par Jeune Afrique en 2007 !
Ehoud Olmert fut le premier Premier ministre corrompu de l’État d’Israël qui, comme Benjamin Netanyahu aujourd’hui, se préoccupait plus de sa carrière que des Israéliens.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

En s’obstinant à rejeter les propositions de paix arabes, en préférant s’en remettre à la force et encore à la force, l’État hébreu se condamne – et condamne la région – à des décennies de violence et de guerre.

Que faudrait-il pour persuader Israël de reconsidérer son attitude à l’égard de ses voisins arabes, et en premier lieu à l’égard des Palestiniens ? La victoire du Hamas à Gaza est sûrement une claire indication qu’un changement de cap israélien est urgent. Tous les efforts de l’État hébreu pour briser le gouvernement démocratiquement élu du Hamas ont été vains. Sa politique de boycottage, de siège, sa volonté d’affamer les populations, ses bombardements et ses tirs de mitraille, ses assassinats ciblés, le blocage des droits de douane et des taxes, la destruction systématique des institutions palestiniennes n’ont eu pour résultat que de créer une bombe à retardement de famine, de désespoir et de défi sur le flanc d’Israël.

Et pourtant, les Israéliens semblent n’avoir rien appris. Au lieu de chercher à faire la paix avec les Arabes, de prendre la main qui leur est tendue, ils s’obstinent à rejeter toutes les propositions de paix, préférant s’en remettre à la force et encore à la force, et à leur talent à manipuler leur allié américain. À Washington, le 19 juin, le Premier ministre Ehoud Olmert a réussi à bloquer une velléité américaine de relancer des négociations israélo-palestiniennes. Il a persuadé George W. Bush – un président qui s’est complètement emmêlé les pieds au Moyen-Orient – que les conditions n’étaient pas réunies pour des pourparlers de paix ni avec les Palestiniens ni avec les Syriens.

L’attribution du portefeuille de la Défense à Ehoud Barak, un ancien Premier ministre et chef d’état-major qui estime que sa priorité est de reconstituer la capacité de dissuasion d’Israël, est un autre signe annonciateur de guerre plutôt que de paix. De source israélienne, on indique que Barak, même en privé, se refuse à admettre qu’il a commis des erreurs en 1999 et en 2000, lorsqu’il était Premier ministre, et qu’il n’a pas profité de l’occasion de faire la paix à la fois avec le leader palestinien Yasser Arafat et le président syrien Hafez al-Assad. Ce n’est pas une bonne référence pour un homme qui devrait jouer un rôle de premier plan en Israël dans les mois et les années à venir.

Condoleezza Rice, la malheureuse secrétaire d’État américaine, dont on aurait pu penser qu’elle projetait de donner un coup de pouce aux contacts israélo-palestiniens, s’est manifestement fait doubler par les faucons pro-israéliens, dont Elliott Abrams, au Conseil de sécurité nationale. On affirme à Washington que la lutte contre le “terrorisme” reste la priorité américano-israélienne. Le président Mahmoud Abbas, qui doit aux bontés de Tsahal et des colons d’exercer son autorité sur trois ou quatre bantoustans coupés de tout en Cisjordanie, a reçu l’ordre de se joindre aux représailles contre ses frères palestiniens s’il veut avoir droit à quelques miettes de la table des riches.

Aux yeux de la plupart des observateurs indépendants, il paraît évident que la politique impitoyable, agressive et expansionniste d’Israël n’a eu pour résultat qu’une détérioration régulière de sa position stratégique. L’État hébreu s’est donné, ou plutôt a fait surgir, des ennemis sur plusieurs fronts : le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza, un grand nombre de Palestiniens qui ont tout perdu et qui vivotent dans des camps de réfugiés, la Syrie au nord, l’Iran un peu plus loin et des groupes extrémistes en bien d’autres endroits, témoins de la colère d’une grande partie du monde arabo-musulman. Quelques autres tendances devraient alerter les Israéliens. L’opinion européenne avertie est de plus en plus scandalisée par le comportement de l’État hébreu, alors que les Arabes sont de mieux en mieux instruits, de mieux en mieux armés et beaucoup, beaucoup plus riches qu’avant. L’explosion démographique arabe produit des dizaines, et peut-être des centaines de milliers de recrues potentielles pour des guerres asymétriques qu’Israël est mal préparé à mener, mais qui semblent être le type de guerre de l’avenir.

Si cela ne suffisait pas, la tendance à laquelle Israël devrait peut-être porter la plus grande attention est que son principal allié, les États-Unis, est embourbé dans une guerre impossible à gagner, dans laquelle il s’est engagé en grande partie parce que les amis américains d’Israël, les néoconservateurs de Washington, ont pensé que si l’Amérique écrasait l’Irak, Israël n’aurait plus rien à craindre à l’Est. Il pourrait alors continuer à s’emparer de territoires cisjordaniens sans risquer de réaction arabe sérieuse.

Les néocons font maintenant campagne pour une guerre des États-Unis contre l’Iran, comme s’ils ne voyaient pas que l’opinion américaine supporte de moins en moins bien que l’Amérique soit entraînée dans des guerres lointaines et coûteuses pour le compte d’Israël. L’État hébreu reconsidère-t-il, du coup, sa stratégie ? Rien ne semble l’indiquer. Il se refuse à admettre que les rapports de force sont peut-être en train de changer dans la région. Il persiste à croire qu’il peut éradiquer le Hezbollah du Liban et le Hamas de Gaza, et mettre à genoux la Syrie et l’Iran – ou s’arranger pour que les États-Unis le fassent pour lui. Pour éviter des pourparlers de paix qui pourraient entraîner une cession de territoire, l’État hébreu continue de présenter le Hamas comme une “organisation terroriste” qui n’a d’autre but que la destruction d’Israël, ce qui permet d’avoir recours à la vieille astuce : “Comment pourrait-on négocier avec quelqu’un qui veut vous tuer ?”

Le Hamas est-il une organisation terroriste ou un mouvement de résistance légitime à l’occupation et à l’oppression ? Les Américains se sont ralliés à la thèse terroriste, et la fragile et frileuse Union européenne (UE) les a imités, même si certains de ses membres le regrettent. Le Hamas a certainement perpétré des attentats-suicides contre des civils israéliens au cours de la seconde Intifada, ce qui peut lui valoir, en effet, l’étiquette terroriste. Mais au cours de cette même Intifada, Israël a tué quatre fois plus de Palestiniens que le Hamas et les autres groupes palestiniens n’ont pas tué d’Israéliens. Plus récemment, au cours des seize mois qui se sont écoulés entre la victoire électorale du Hamas en janvier 2006 et avril 2007, Israël a tué 712 Palestiniens, dont beaucoup d’enfants, alors que sur la même période les Palestiniens ont tué 29 Israéliens (militaires et civils). Si le terrorisme se définit comme le meurtre de civils innocents à des fins politiques, lequel des deux camps est le plus grand terroriste ?

Le Hamas veut-il faire disparaître Israël ? Il ne fait pas de doute qu’il en rêve, tout comme Israël rêve de faire disparaître le Hamas. Mais les rêves sont une chose, la politique en est une autre. Le Hamas s’applique actuellement à rétablir l’ordre à Gaza. Il désarme les gangs qui vivent d’extorsion et de chantage, comme le gang Daghmush, qui détient le correspondant de la BBC Alan Johnston. Et il s’efforce de satisfaire les besoins immédiats d’une population de 1,4 million de personnes démunies, entassées sur un petit territoire dont Israël a fait la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Voici ce que Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre Hamas et désormais maître de Gaza, déclarait au quotidien français Le Figaro des 16-17 juin : “Notre programme est clair. Nous souhaitons la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, c’est-à-dire à Gaza, en Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale. L’OLP reste en charge des négociations sur ce point. Nous nous engageons à respecter tous les accords passés, signés par l’Autorité palestinienne. Nous souhaitons la mise en uvre d’une trêve réciproque, globale et simultanée avec Israël.”

On aimerait qu’Ehoud Olmert ou l’un de ses amis tiennent des propos aussi raisonnables ! Tout au contraire, Israël se propose de poursuivre, et même d’intensifier sa politique de bouclage de la bande de Gaza. Comme l’a dit Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, le 18 juin, au Luxembourg, à ses collègues de l’UE : “Il faut profiter au maximum de la scission entre la Cisjordanie et Gaza. Elle sépare les modérés des extrémistes.” Elle a pressé les autres ministres de continuer à isoler le Hamas tout en facilitant la vie du Fatah en mettant fin aux quinze mois de boycottage financier de l’Occident. Mais cela suffira-t-il à sauver Mahmoud Abbas ?

Une politique consistant, d’un côté, à nourrir la Cisjordanie et, de l’autre, à affamer Gaza peut-elle réussir ? C’est peu probable. Les responsables israéliens de la sécurité refuseront de supprimer les centaines de barrages qui font de la vie des Palestiniens un enfer. Le puissant mouvement des colons israéliens n’acceptera pas de renoncer à créer des colonies, et encore moins d’en supprimer. Et les dirigeants israéliens remueront ciel et terre pour éviter d’engager des pourparlers de paix avec les Arabes sur la base des frontières de 1967. Le résultat sera que Mahmoud Abbas s’enfoncera de plus en plus dans l’illégalité et aura de plus en plus une image de “collabo” ; que le déclin du Fatah se poursuivra inexorablement ; et qu’Israël et ses voisins seront condamnés à des décennies de violence et de guerre. Comme un observateur avisé me le faisait remarquer ces jours derniers, “le Moyen-Orient est aujourd’hui dans la situation de l’Europe à la veille de la Grande Guerre de 1914-1918. Une étincelle pourrait suffire à embraser la région.”

25 juin 2007, Israël creuse sa propre tombe, Jeune Afrique.

Lire aussi :
14/07/2017, Les USA ont-ils creusé la tombe d’Israël, Pars Today.
27/10/2023, Israël, le déclin d’un état colonial !, L’Opinion.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

L’UNRWA en question (2)

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L’UNRWA est une anomalie de l’histoire, anomalie qui dure depuis plus de 74 ans à cause de la lâcheté des États membres de l’ONU.

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU vota la résolution 181 qui définissait le plan de partage de la Palestine dite mandataire c’est-à-dire occupée par le Royaume Uni entre un État arabe et un État juif [1].

Le chapitre concernant la citoyenneté est très clair :

Les citoyens palestiniens résidant en Palestine, à l’extérieur de la Ville de Jérusalem, et les Arabes et Juifs qui, sans avoir la nationalité palestinienne, résident en Palestine à l’extérieur de la Ville de Jérusalem, deviendront citoyens de l’État dans lequel ils résident et jouiront de tous les droits civils et politiques, à partir du moment où l’indépendance aura été reconnue. Toute personne de plus de dix-huit ans pourra, dans le délai d’un an à dater du jour où l’indépendance de l’État sur le territoire duquel elle réside aura été reconnue, opter pour la nationalité de l’autre État, étant entendu qu’aucun Arabe résidant sur le territoire de l’État arabe envisagé n’aura le droit d’opter pour la nationalité de l’État juif envisagé, et qu’aucun Juif résidant dans l’État juif envisagé, n’aura le droit d’opter pour la nationalité de l’État arabe envisagé. Toute personne qui exercera ce droit d’option sera censée opter en même temps pour sa femme, et ses enfants de moins de dix-huit ans.
op. cit. p.8

Un chapitre décrit l’Union économique palestinienne entre les deux États (op. cit. p.9) ! Un autre trace les frontières de l’État arabe (op. cit. p.12-16), de l’État juif (op. cit. p.16) et de Jérusalem (op. cit. p.16-20) qui a un régime spécial.

Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama l’État d’Israël. Pour lui comme pour le Conseil national juif qu’il présidait, il n’était pas question de partage. Les colons, les organisations terroristes (Lehi, Irgoun, Haganah, etc.) et l’armée israélienne (Tsahal nouveau nom de Haganah après le 26 mai 1948) imposèrent le rêve sioniste de la Palestine réservée aux juifs (selon la définition des rabbins) parce qu’élus de Yahweh.
Entre novembre 1947 et mars 1949, environ 800 000 Palestiniens furent chassés de leur terre et plus de 500 villages rasés. Cette tragédie est sommairement connue sous la nom de Nakba. Les Palestiniens exilés de force peuplèrent alors des camps de réfugiés dans les États arabes voisins dont Gaza administrée par l’Égypte [2].

Le monde entier resta tétanisé devant l’ampleur du coup de force d’Israël qui n’avait pas respecté le plan de partage et occupait désormais 78% de la Palestine mandataire en toute illégalité. Pourtant aucun État n’osa contraindre l’État d’Israël à respecter sa signature pour la simple raison que tous furent plus ou moins complices et certains même collaborèrent au génocide des juifs – ce fut le cas de la France entre 1940 et 1945 [3].
Devant l’ampleur de la catastrophe, il fallait bien faire semblant de faire quelque chose. Je ne sais pas qui a eu l’idée, mais elle est classique. Faute de résoudre le problème politique en amont, on créa une structure pour soigner les conséquences humanitaires en aval.

Le 8 décembre 1949,, l’ONU créa donc l’UNRWA. Sa tâche fut de gérer les camps de réfugiés palestiniens et de répondre aux besoins essentiels en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux. Les pays donateurs se donnaient ainsi bonne conscience… en faisant la charité.
Cette agence n’était pas conçue pour durer, mais elle est devenue au fil du temps une bureaucratie comptant aujourd’hui 13 000 employés [4]. Elle est critiquée au sein de l’ONU par le HCR, agence dédiée aux réfugiés dans le reste du monde, qui met en en avant la disproportion de moyens : un employé l’UNRWA a en charge de 178 réfugiés et un employé du HCR 9 375 réfugiés.

Je fais partie de ceux qui critiquent l’UNRWA parce que cette agence vit et prospère grâce à la colonisation israélienne de la Palestine. L’occupation est sa raison d’être. En effet, si les États, en premier lieu les États-Unis, contraignaient l’État d’Israël à respecter les résolutions de l’ONU en faveur de la création d’un État palestinien, alors l’UNRWA disparaitrait dans la foulée. Imaginez l’angoisse de tous les directeurs, sous-directeurs et chefs de service à l’idée de cette perspective.

L’État d’Israël veut la disparition de l’UNRWA sans la création d’un État palestinien afin d’annihiler définitivement le droit au retour des réfugiés. C’est aujourd’hui une question de survie politique pour Benjamin Netanyahu. Il met lentement, mais sûrement en place “la solution finale” : tuer le plus grand nombre de Palestiniens et expulser les survivants terrorisés. Bien que contesté en Israël, il bénéficie de la complaisance du “monde libre” : les États-Unis, la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie, l’Italie, l’Allemagne, la Finlande et… la France.

La suspension voire la suppression du financement de l’UNRWA va accélérer le génocide en cours… dans l’indifférence générale ou la complicité voire la collaboration. Les Palestiniens sont désespérément seuls face à la barbarie israélienne. Certains s’interrogent sur la résilience sociale dont ils font preuve car ils peinent à comprendre qu’ils sont pleinement dans leur droit comme l’a confirmé la Cour Internationale de Justice.
Mais l’affrontement sanglant des deux nationalismes aboutit à une impasse. C’est pourquoi la solution d’un État Israël-Palestine qui “garantisse des droits et une sécurité absolument égaux aux deux peuples” s’impose chaque jour d’avantage comme la seule viable à long terme [5].

30/01/2024
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
28/01/2024, Déclaration du Secrétaire général sur l’UNRWA, ONU Palestine (traduction automatique).
28/01/2024, Les alliés d’Israël accélèrent le génocide en gelant les fonds de l’UNRWA, The Electronic Intifada (traduction automatique).
29/01/2024, Sordides et calculées, les tentatives de disqualification de l’UNRWA visent les réfugié.es palestinien.nes, Association France Palestine Solidarité.
Réfugiés palestiniens, les chiffres-clés 2020, Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine.
Sites, ONU Palestine (traduction automatique)UNRWA.
Sari HANAFI, Leila HILAL, Lex TAKKENBERG, UNRWA and Palestinian Refugees – From Relief and Works to Human Development, 2014 [Partage en ligne].
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
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Notes


[1] Lire : Résolution 181 (texte bilingue anglais-français), ONU.

[2] Lire
– Le récit de l’historien israélien qui, à la suite de controverses sur ses travaux, s’est exilé en Angleterre en 2007 où il enseigne à l’université d’Exeter : Ilan PAPPÉ, Le nettoyage ethnique de la Palestine, 2008, Fayard, [Partage en ligne].
– Brochure Nakba, Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine.

[3] Aujourd’hui, la France collabore au génocide des Palestiniens… pour se faire pardonner. Lire : La France collabore au génocide des Palestiniens, Palestine en Question.

[4] J’utilise le mot “bureaucratie” non pas dans l’acceptation de Léon Trotsky pour caractériser le cours nouveau du Parti bolchevik sous la direction de Joseph Staline, mais dans celle du sociologue des organisations Michel Crozier.
Lire :
Léon TROTSKY, Cours nouveau, MIA, 1923.
Michel CROZIER, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1963
Compte rendu : AnnalesRevue française de science politiqueRevue française de sociologieSens publicSociété québécoise de science politique.
Michel CROZIER, Biographie : in La sociologieSociologie – Articles : CairnÉruditHALPersée.
La bureaucratie internationale et le système des Nations unies, Revue Internationale des Sciences Administratives, 2021.

[5] Lire :
– L’impasse de deux États, Palestine en Question].
– État unique Palestine-Israël, Palestine en Question.

Tuez-les tous !

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Le 7 octobre 2023 a changé beaucoup de choses. Ainsi, des journalistes israéliens comme Emanuel Fabian, Tal Schneider ou Charles Enderlin, qui dénonçaient hier le gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu, ont aujourd’hui retourné leur veste [1].

Ils se sont tous ralliés à la propagande de Benjamin Netanyahu qui prétend que l’existence d’Israël est en péril et qu’il faut détruire le Hamas à n’importe quel prix, après l’avoir soutenu pendant des années pour empêcher la création d’un État palestinien.
La propagande du gouvernement israélien sert d’alibi pour justifier les bombardements de Gaza alors que 67% de toutes les victimes sont des femmes et des enfants [2]. Le Hamas serait responsable de la guerre d’Israël contre les Palestiniens… depuis 1948 !
Le soutien militaire des États-Unis, qui ont pratiqué la même politique en Afghanistan et en Irak, et celui moral de l’Union européenne encouragent Benjamin Netanyahu à “en finir” avec les Palestiniens c’est-à-dire à achever le processus commencé en 1948 en expulsant de Gaza les derniers survivants.

Les journalistes qui publient en Israël sous soumis à la dictature de l’Union sacrée [3]. Mais Charles Enderlin, qui vit tranquillement à Paris avec ses amis du Monde diplomatique et de l’iReMMO, tient exactement le même discours au cours d’un entretien publicitaire pour son livre, qui disait exactement le contraire 15 jours auparavant !

• Charles ENDERLIN, Israël – L’agonie d’une démocratie, Seuil, 29/09/2023 [Partage en ligne].
• Charles ENDERLIN, Israël – L’agonie d’une démocratie, iReMMO, 14/10/2023.

13/11/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.


Notes


[1] Lire :
Charles ENDERLIN, Israël, le coup d’État identitaire, Le Monde diplomatique, 01/02/2023.
Emanuel FABIAN, Le terrorisme nationaliste juif alimente le terrorisme palestinien, The Times of Israël, 07/08/2023.
Tal SCHNEIDER, Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas – Aujourd’hui, on en paie le prix, The Times of Israël, 08/10/2023. Lire aussi : Commentaire, Monde en Question, 08/10/2023.

[2] Lire : Les directeurs régionaux de l’UNFPA, de l’UNICEF et de l’OMS appellent à une action immédiate pour mettre fin aux attaques contre les soins de santé à Gaza, ONU Question palestinienne (traduction automatique), 12/11/2023.

[3] Lire : Union sacrée en Israël, Monde en Question, 11/10/2023.

Netanyahu cherche à échapper à ses responsabilités

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Lors de sa conférence de presse, le Premier ministre s’est livré à un exercice qui le caractérise : la dérobade. Mais il lui sera impossible de réécrire l’Histoire de ses manquements

Contrairement à ce qu’ont dit samedi nos dirigeants en cette période de guerre – le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre Benny Gantz – Israël n’est pas en train de vivre une seconde guerre existentielle de l’Indépendance.

Mais ces journées sont insupportablement difficiles, éprouvantes, sombres. Le sentiment de dépression devient plus profond, plus lourd à chaque heure, chaque jour qui passe. Il est présent dans tous les foyers israéliens.

A intervalles réguliers, les médias tentent bien de partager une histoire réconfortante – un mariage conclu pendant le devoir de réserve ou un groupe de bénévoles venant en aide à ses compatriotes dans le besoin. Mais il est impossible d’échapper à la pression émotionnelle exercée par la simple pensée de ces 230 otages – des parents, des enfants, des personnes âgées, des nourrissons, des soldats – retenus à Gaza.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la conférence de presse la plus lugubre de toute l’Histoire d’Israël.

Netanyahu, ce leader vieillissant qui voit encore en lui-même un roi tout-puissant, a été dans l’incapacité de se présenter devant les Israéliens au cours des 21 longues journées qui se sont écoulées depuis le début de la guerre. Quand il s’est finalement résolu à le faire à l’occasion d’une conférence de presse – sans aucun désir d’apporter des réponses sincères aux questionnements des journalistes – il n’a pas manqué d’amener avec lui deux gilets pare-balle sous la forme des autres membres du cabinet de guerre, Yoav Gallant et Benny Gantz.

L’idée même d’un Netanyahu faisant face aux questions des journalistes était, de toute façon, vouée à l’échec. Si cet événement devait entrer dans les annales d’Israël pour l’éternité, ce serait plutôt en raison de la tentative de Netanyahu, toujours soucieux de son image, d’obtenir leur protection et leur complicité.

Mais les journalistes ont posé toutes leurs questions à Netanyahu, à l’exception d’une seule. Le message était : “Vous avez eu peur de nous parler de vos manquements et nous nous focaliserons sur vous en conséquence”.

Gallant avait organisé une conférence de presse à la Kirya, le siège de l’armée israélienne à Tel Aviv, deux jours auparavant. Cela avait aussi été le cas de Gantz qui avait répondu aux questions des journalistes, le même jour, dans un hôtel de Tel Aviv. Ces deux experts de la Défense n’ont jamais évité les interviews et les conférences de presse au cours des dernières années.

Seul Netanyahu craint les médias. Sa dernière interview devant les caméras de la chaîne Kan remonte au 14 septembre 2019 et ses derniers entretiens accordés à la Douzième et à la Treizième chaîne datent du mois de mars 2021. Il n’a pas voulu prendre part à des conférences de presse depuis des années.

Son intervention, dans la soirée de samedi, a relevé du miracle moderne pour certains. Mais elle a été horripilante. Si l’objectif était de prendre les questions des journalistes qui représentent le public alors pourquoi Netanyahu, Gallant et Gantz ont-ils utilisé la plus grande partie du temps qui leur était alloué pour laisser libre cours à des discours pontifiants ?

J’ai vu des dirigeants commencer une conférence de presse en disant “Bonjour” et en invitant dans la foulée les journalistes présents à leur poser des questions. Mais Netanyahu – et ses deux comparses – voulaient que leurs déclarations prennent le devant de la scène, rejetant le discours vrai au second plan.

Est-ce qu’ils n’ont réellement pas réalisé que les Israéliens ont entendu suffisamment de paroles en l’air et de clichés au fil des années ? Est-ce qu’ils n’ont pas compris qu’ils pouvaient nous épargner leurs efforts laborieux visiblement livrés pour cultiver notre esprit de combativité et se contenter de répondre avec honnêteté au plus grand nombre de questions possibles ?

Comme toujours, Netanyahu n’a pas répondu à ce qui lui était demandé. Il est arrivé à la conférence de presse avec une page de messages à transmettre préalablement préparés, baissant les yeux vers le document pour s’assurer de bien s’en tenir à ses formules toutes faites. Zéro courage public.

Il n’a pas répondu aux questions portant sur la nature de la commission d’enquête qui serait établie pour examiner la débâcle du 7 octobre, avec l’infiltration massive de terroristes du Hamas sur le sol israélien et le carnage qui a suivi, pas plus qu’il n’a reconnu sa responsabilité personnelle. Alors qu’il lui était demandé si l’obsession nourrie par le gouvernement à l’égard du plan de refonte du système judiciaire israélien avait enhardi nos ennemis, il a donné la non-réponse qu’il avait déjà préparée : “La réforme n’est plus à l’ordre du jour aujourd’hui. Nous avons supprimé tous les désaccords entre nous. Nous nous tenons ici, tous ensemble. Nous restons presque 24 heures sur 24 ensemble”.

Regrettait-il l’accord conclu en 2011 qui avait permis la remise en liberté d’un soldat qui avait été enlevé, Gilad Shalit, échangé contre plus de mille détenus sécuritaires palestiniens qui avaient été libérés des prisons israéliennes ? “Il y avait des choses difficiles dans cet accord, il y avait d’autres considérations à prendre en compte”, a-t-il rétorqué benoîtement. “Nous en discuterons quand le moment sera venu”.

Cela a été sa thématique favorite : “Le moment viendra” ; “Nous discuterons des choses à l’avenir”. Mais tout le monde sait ce qu’il prévoit dans le futur. Dans le futur, il comptera sur les capacités d’attention limitées du public, sur d’autres préoccupations et sur son aptitude à réécrire les narratifs et à dénaturer l’Histoire – très précisément comme il l’avait fait, l’année passée, pour pouvoir affirmer qu’il s’était opposé au désengagement à Gaza, en 2005.

Quand le moment viendra d’évoquer sa responsabilité personnelle dans le massacre du 7 octobre et dans tout ce qui a précédé ce carnage, il inventera, il remaniera, il esquivera. L’une de ses croyances fondatrices est “L’Histoire est écrite par les vainqueurs”.

Dans la guerre du 7 octobre, l’État d’Israël n’a pas été éradiqué et la Seconde guerre d’Indépendance n’a pas été déclarée. Pourtant, l’État juif a été vaincu ce jour-là. La bataille a été dure et cruelle. Le nombre de victimes dépasse l’entendement. Les communautés israéliennes ont été occupées par l’ennemi pendant de longues heures. En cette journée de bataille terrible, nous avons perdu.

Par conséquent, en ce qui concerne l’Histoire du 7 octobre, le nom de Netanyahu ne figurera pas sur la page écrite par les vainqueurs. Et cette-fois ci, il ne pourra pas fuir, fausser, remanier et réécrire le narratif.

The Times of Israël

Lire aussi :
Dossier PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.
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Le récit israélien s’écroule

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L’attaque d’une partie du territoire israélien par le Hamas le 7 octobre 2023 fut immédiatement présentée par Israël comme une surprise. Les agences de presse et les médias du monde entier ont copié-collé cette version de l’événement, mais ce récit ne tient plus.
Le 8 octobre, j’avais publié ce commentaire :

Cette attaque s’est déroulée selon un scénario identique à celui du 11 septembre 2001 : les services secrets israéliens savaient, mais Benjamin Netanyahu a laissé le Hamas agir pour ressouder les Israéliens, profondément divisés depuis plusieurs mois, et justifier la guerre contre Gaza sur le plan international.
Scénario connu d’une guerre annoncée, Monde en Question.

Les articles de M. K. Bhadrakumar confirment ce scénario :

Si les États-Unis sentent qu’il s’agit d’une catastrophe qu’Israël a laissé se produire, cela reste une pensée strictement privée.
Alors même que Blinken se dirigeait vers Tel Aviv, le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, Michael McCaul, a déclaré mercredi aux journalistes à Washington, à la suite d’un briefing à huis clos des renseignements, que « nous savons que l’Égypte a averti les Israéliens trois jours auparavant qu’un événement comme celui-ci pourrait se produire ». Je ne veux pas trop entrer dans les détails, mais un avertissement a été donné. Je pense que la question était de savoir à quel niveau.
13/10/2023, Les États-Unis face à la guerre menée par Israël contre Gaza, Indian Punchline (traduction automatique)

Ce qui est vraiment intrigant, c’est que de nombreuses évaluations des renseignements étaient disponibles par Israël sur la forte possibilité d’une opération du Hamas samedi dernier. L’Égypte a confirmé avoir transmis des renseignements à Israël.
CNN a depuis rapporté que les agences de renseignement américaines avaient également mis en garde contre une potentielle escalade du conflit israélo-palestinien, peu avant l’attaque du Hamas du 7 octobre [le 28 septembre et le 5 octobre].
14/10/2023, Netanyahu est un albatros autour du cou de l’Inde, Indian Punchline (traduction automatique)

Au détour d’un plaidoyer en faveur d’Israël, un article de la presse américaine dément la version du gouvernement de Benjamin Netanyahu, cautionné par Benny Gantz [1]. La société israélienne reste profondément fracturée après 9 mois d’opposition à la réforme judiciaire orchestrée par l’extrême droite :

Si vous voulez avoir une idée de ces fractures – et de la colère volcanique contre Netanyahu pour la façon dont il a divisé le pays avant cette guerre – regardez la vidéo qui est devenue virale en Israël il y a deux jours lorsqu’Idit Silman, un ministre au pouvoir de Netanyahu du Likoud, a été expulsée de l’hôpital Assaf Harofeh de Tzrifin alors qu’elle allait rendre visite à des blessés.
« Vous avez ruiné ce pays. Sortez d’ici », lui a crié un médecin israélien. « Comment n’as-tu pas honte de mener une autre guerre ? » lui a dit une autre personne.
14/10/2023, Pourquoi Israël agit ainsi, The New York Times (traduction automatique)
Lire aussi : 13/10/2023, Des Israéliens interpellent deux ministres dans des hôpitaux “Vous avez détruit le pays !”, Courrier international

 

L’état d’esprit réel des Israéliens peut s’apprécier dans la dépêche de l’AFP publiée par The Times of Israël évoque l’histoire de Yaakov Godo qui, au moment d’enterrer son fils tué par le Hamas dans le kibboutz Naan, au sud de Tel Aviv, a proclamé “Je n’arrêterai pas. Je continuerai. Et je soutiendrai les Palestiniens”.

Ce reportage en dit long sur la fracture politique créée par Benjamin Netanyahu, qui s’est appuyé sur l’extrême droite pour sauver sa peau :

Des centaines de personnes se sont jointes samedi à une veillée devant le ministère de la Défense à Tel Aviv, organisée par un homme dont la femme et les trois enfants sont retenus en otage par des terroristes à Gaza, et de nombreuses personnes présentes sur les lieux ont dénoncé le gouvernement qu’elles considèrent comme responsable de la catastrophe.
[…]
“Je veux que Benjamin Netanyahu et tous ses collaborateurs rentrent chez eux parce qu’ils ont abandonné les habitants du sud et qu’ils ne s’intéressent pas à la vie de ces derniers, mais sont plutôt obsédés par la petite politique”, a déclaré Levy, 62 ans, originaire de Tel Aviv.
“Il veut juste sauver sa peau et il est prêt à nous sacrifier tous”, a déclaré Levy, elle-même survivante d’un attentat à la bombe perpétré en 1994 dans un bus de Tel Aviv.
[…]
Par moments, on entendait des chants de “Honte”, le refrain populaire des manifestations qui durent depuis des mois contre le plan de refonte du système judiciaire du gouvernement.
14/10/2023, À une veillée organisée pour le retour des otages, beaucoup fustigent le gouvernement, The Times of Israël

14/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.


Notes


[1] Lire : Des opérations militaires aux conséquences imprévisibles, Monde en Question.

Des opérations militaires aux conséquences imprévisibles

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En septembre dernier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a montré à l’Assemblée générale des Nations Unies sa carte du “nouvel Moyen-Orient”, sur laquelle ne figurait pas la Palestine ! Cette ultime provocation fut d’autant plus violente que se déroulaient dans le même temps des discussions sur le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël.

Le 7 octobre, le Hamas a rappelé au monde entier que les Palestiniens existaient encore et qu’ils ne se laisseraient pas exterminer comme les Amérindiens. Les médias et les politiques occidentaux versent des larmes de crocodile sur les morts israéliens alors que l’État d’Israël n’a jamais respecté le droit international, avec la complicité active des États-Unis et de l’Europe, et qu’il a massacré les Palestiniens par dizaines de milliers depuis 75 ans… dans l’indifférence générale. C’est la version occidentale des droits de l’homme.

Ce n’est pas la première fois que le Hamas agit ainsi :

Fin mars 2002, il [Ariel Sharon] ira jusqu’à détruire les institutions de l’Autorité palestinienne et assiégera le QG de Yasser Arafat après l’attentat contre l’hôtel Park à Netanya, le soir de la Pâque juive, qui avait fait trente morts et cent quarante blessés. Pourtant, l’auteur de l’attaque n’était pas issu de l’OLP ou du Fatah, mais bien du Hamas, dont l’objectif était, ce jour-là, d’empêcher la conclusion d’un cessez-le-feu et de torpiller l’initiative de paix saoudienne votée à Beyrouth par la Ligue arabe.
Charles ENDERLIN, Le grand aveuglement – Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical, 2009, Avant-propos [Partage en ligne].

Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un simple attentat, mais d’une opération militaire très soigneusement préparée. On peut la considérer comme limitée dans l’espace et dans le temps, mais ses effets psychologiques sont immenses en Israël naturellement et dans le monde entier. Ses conséquences sont encore imprévisibles, mais tout le monde a plus ou moins conscience que quelque chose a changé et radicalement.

Par contre, la réaction du gouvernement de Benjamin Netanyahu était prévisible et ajoutera un nouveau traumatisme au sein de la société palestinienne qui n’effacera pas celui de la société israélienne. La réaction des États-Unis et l’Europe était aussi prévisible car ils ont toujours soutenu l’États israélien dans son refus de respecter la résolution 181 du 29 novembre 1947 et les multiples résolutions votées depuis comme ils ont fermé les yeux devant les crimes de tous les gouvernements depuis Ben Gourion pour ne pas être accusés d’antisémitisme [1].

Toutes les anciennes colonies européennes, qui ont acquis une indépendance contrôlée par leur ancien maître, voient l’attaque du Hamas comme une revanche des vaincus de la conquête européenne du monde depuis 1492. Certes beaucoup de commentaires officiels restent politiquement corrects, mais ça bouge dans les coulisses. Même ceux qui réprouvent la méthode sont heureux de l’humiliation infligée à l’État qui se croit au-dessus des lois internationales et à son principal allié, embourbé dans la guerre contre la Russie sur le territoire ukrainien.

Voici quelques réactions qui traduisent une satisfaction non dissimulée :

L’opération militaire d’Israël contre les habitants de Gaza risque d’être très meurtrière car beaucoup de dirigeants de droite et d’extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu, cautionné par Benny Gantz, veulent en finir avec les Palestiniens [2]. Le blocus total et les bombardements visent à massacrer une partie de la population et à obliger les survivants à fuir… vers l’Égypte. Certains parlent d’une opération imminente à Gaza dont personne ne mesure les difficultés et surtout les conséquences. Mais cette histoire n’est pas encore écrite…

Dans le flot des dépêches d’agences, je retiens celle de l’AFP publiée par The Times of Israël qui évoque Yaakov Godo. Au moment d’enterrer son fils dans le kibboutz Naan, au sud de Tel Aviv, il a proclamé “Je n’arrêterai pas. Je continuerai. Et je soutiendrai les Palestiniens”.

13/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.


Notes


[1] Le Monde diplomatique a publié en 2009 une liste de résolutions de l’ONU non respectées par Israël, mais sans dire qu’aucun pays n’a contraint Israël à les respecter.
Résolutions de l’ONU non respectées par Israël, Le Monde diplomatique.

[2] Lire : 12/10/2023, Avec l’entrée de Gantz au gouvernement, l’extrême-droite est marginalisée, The Times of Israël.
Benny Gantz ressemble à Franz von Papen qui pensait marginaliser Adolf Hitler en acceptant le poste de Vice-chancelier.

Union sacrée en Israël

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Il y a deux jours j’écrivais :

Benjamin Netanyahu mobilise car la guerre fait taire les opposants qui rejoignent l’Union sacrée pour défendre la patrie en danger.
Palestine en Question

Certains m’ont reproché mon pessimisme, mais, comme j’ai travaillé récemment sur le guerre 1914-1918, il m’est facile de prévoir la trahison des politiciens et des journailleux qui girouettent.

J’ai publié plusieurs éditoriaux de David Horovitz, fondateur et rédacteur en chef de Times of Israel, car il s’est opposé à la reforme judiciaire de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement d’extrême droite. Mais, comme beaucoup d’autres avant lui, il a aujourd’hui retourné sa veste [les mots en gras font partie de mon commentaire] :

Les Israéliens lambdas qui composent l’armée de notre peuple – qui se sont rendus en hâte dans leurs unités à un chiffre bien plus élevé que ceux, nombreux, qui avaient été rappelés par Tsahal – sont déterminés à triompher. Avec, par exemple, les manifestants dénonçant le plan de refonte du système judiciaire, Brothers in Arms, et leurs détracteurs les plus féroces, dorénavant côte à côte.
The Times of Israël

Pire encore, il désigne, sans preuves naturellement, l’Iran comme l’instigateur de l’attaque du Hamas :

Mais au niveau stratégique, l’Iran “la pieuvre”, pour reprendre les mots de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett, orchestre ce qui, espère Téhéran, se transformera en une victoire multidimensionnelle sur de multiples fronts.
[…]
Le groupe terroriste est prêt et il attend le signal de Téhéran.
idem

Le 5 janvier, il titrait son éditorial Ben Gvir est un pyromane, mais c’est Netanyahu qui lui a donné les allumettes (The Times of Israël), le 12 janvier Netanyahu place Israël sur le chemin d’une véritable “dictature démocratique” (The Times of Israël), le 9 février La démolition de la démocratie en Israël débute la semaine prochaine (The Times of Israël) et le 16 mars Un dernier appel : “Monsieur le Premier ministre Netanyahu, arrêtez cette folie !” (The Times of Israël).
Aujourd’hui, il pleurniche sur la lenteur de Benjamin Netanyahu à former un gouvernent d’Union nationale :

Nos dirigeants sont conscients de l’envergure du défi – même si Netanyahu s’est  montré déraisonnablement lent à former un gouvernement d’unité d’urgence, un gouvernement qui a finalement été annoncé mercredi en fin d’après-midi.
idem

L’aveuglement de ce sioniste de gauche, qui rejoint l’extrême droite, est manifeste dans sa citation de Golda Meir :

“Nous n’avons nulle part ailleurs où aller.”
idem

Les Palestiniens disent la même chose… depuis 75 ans, mais personne ne les écoute !

11/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier Union sacrée (avec liens partagés), Monde en Question.
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.

Le gouvernement contesté par les Israéliens se venge sur les Palestiniens

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La réaction du gouvernement israélien à l’attaque du Hamas était prévisible. Il fait ce qu’il a toujours fait : infliger une punition collective à la population palestinienne en renforçant le blocus de Gaza. Ainsi, Benjamin Netanyahu a décidé un blocus total, c’est-à-dire l’arrêt de la fourniture de l’eau, du gaz, de l’électricité, de la nourriture et des médicaments. Le message est clair : Qu’ils crèvent !

L’État d’Israël renforce l’ordre coloniale sur les territoires occupés avec les mêmes méthodes que celles du gouvernement français en Algérie. Toutes les anciennes puissances coloniales approuvent la guerre contre les Palestiniens. Les États-Unis envoient des armes à Israël et l’Union européenne bloque l’aide aux réfugiés palestiniens [1]. Or, comme en Algérie, le terrorisme d’État alimente le terrorisme de résistance. Détail qui échappe à tout le monde !

Nous sommes en guerre a martelé plusieurs Benjamin Netanyahu samedi matin. L’im-Monde prétend sans rire que “C’est un contre-emploi, mais Benyamin Nétanyahou est devenu un premier ministre de guerre.” Qu’a fait Benjamin Netanyahu depuis 1996 ? Il a favorisé le Hamas pour affaiblir l’Autorité palestinienne [2].
Les gouvernements israéliens sont en guerre contre les Palestiniens depuis le 14 mai 1948, jour de la création de l’État d’Israël réalisé aux dépens des Palestiniens et avec la complicité des puissances occidentales qui n’ont pas respecté le plan de partage de la Palestine voté le 29 novembre 1947 par l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’occupation des territoires palestiniens est toujours considérée comme illégale selon le droit international, mais tout le monde s’en fout !

Il ne faut pas être dupe. L’attaque du Hamas est une aubaine pour Benjamin Netanyahu et son gouvernement d’extrême droite qui est fragilisé par l’opposition massive des Israéliens au projet de réforme judiciaire. De hauts responsables de la police, de l’armée et du Shin Bet ont exprimé publiquement leurs désaccords. Beaucoup de réservistes ont refusé de faire leur période. Depuis des mois, les manifestants campaient à la porte des ministres. Benjamin Netanyahu mobilise car la guerre fait taire les opposants qui rejoignent l’Union sacrée pour défendre la patrie en danger [3].

Tout le monde compatit pour les victimes israéliennes, mais personne pour les victimes palestiniennes !
Tout le monde condamne le terrorisme du Hamas, mais personne le terrorisme de 75 ans d’occupation de la Palestine !
Les Palestiniens sont seuls, désespérément seuls. L’ONU n’a jamais respecté la résolution 181 du 29 novembre 1947. L’UNRWA, créé le 8 décembre 1949, est rapidement devenu une bureaucratie qui défend l’occupation car elle est sa raison d’être. Les gouvernements arabes ont instrumentalisé la cause palestinienne pour leurs intérêts propres. Les directions de la résistance palestinienne ont fait faillite en collaborant avec l’occupant. Les organisation pro-palestiniennes occidentales sont devenues de simples porte-paroles, y compris du Hamas, voire des collaborateurs du Mossad [4].

Personne ne se pose de question sur la vie quotidienne des Gazaouis. La bande de Gaza est un territoire de 365 km² où survivent 2 200 000 Palestiniens (5 500 habitants au km²) dont la majorité sont des réfugiés. La ville de Gaza (45 km²) est plus petite que Rennes (50,39 km²), mais sa population (667 000) est plus de trois fois plus élevée que celle de la capitale bretonne (215  366) [5]. Cette prison à ciel ouvert est entièrement clôturée par une barrière de sécurité. Les entrées et sorties des personnes, des marchandises et des services (eau, gaz, électricité) sont totalement contrôlées par les autorités israéliennes. De fait, Gaza est un camp de concentration israélien… administré par le Hamas depuis 2006. Israël a reproduit le système des ghettos dans lesquels le Judenrat (Conseil juif) servait d’intermédiaire entre les autorités nazies et la population.
Par exemple, les permis de travail en Israël ne sont attribués directement aux travailleurs palestiniens, mais aux responsables du Hamas qui les répartissent selon leurs critères. Toute la vie quotidienne des Gazaouis, imposée de loin par Israël, dépend de leur proximité avec les divers bureaucrates du Hamas et donc de leur allégeance à ces derniers.

Benjamin Netanyahu et son gouvernement veulent éliminer le Hamas de Gaza. Tout le monde applaudit, mais à supposer qu’ils réussissent, ils devront alors administrer directement leur colonie et s’exposer à une confrontation avec les Palestiniens car il naîtra inévitablement une organisation de résistance qui, comme l’Organisation juive de combat du ghetto de Varsovie, réalisera une insurrection des Gazaouis contre l’occupant israélien.

Au risque de déplaire, je conseille vivement la lecture de cet article : Israël a reçu le dernier avertissement, RIA Novosti (traduction automatique).

09/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

Lire aussi :
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.


Notes


[1] Il semble que cette mesure de représailles fasse grincer quelques dents, mais l’annonce est significative de l’état d’esprit des dirigeants européens qui ont abandonné les Palestiniens depuis longtemps.
– 10/10/2023, Rétropédalage de l’UE après l’annonce de l’arrêt des aides versées aux Palestiniens, The Times of Israël.
– 09/10/2023, Le soutien militaire unilatéral des États-Unis à Israël alimente les tensions, Global Times (traduction automatique).

[2] Lire :
– 08/10/2023, Scénario connu d’une guerre annoncée, Monde en Question.
– 08/10/2023, Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas – Aujourd’hui, on en paie le prix, The Times of Israël.

[3] Lire :
– Revue de presse 2023, Monde en Question.
– Revue de presse 2022, Monde en Question.

[4] Lire :
– 18/03/2011, Le Fatah et le Hamas unis contre les Palestiniens, Monde en Question.
– 20/11/2012, Échec du nationalisme palestinien, Monde en Question.

[5] Note du 13/10/2023 : Merci à la lectrice rennaise dont la remarque m’a permis de préciser les chiffres entre la bande de Gaza et la ville de Gaza.
Lire aussi: Carte de la bande de Gaza, Monde en Question.

Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas

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Des Palestiniens brandissant leur drapeau et célébrant près d’un char israélien détruit à la barrière de sécurité, à la frontière de la Bande de Gaza à l’est de Khan Younis, le 7 octobre 2023

 

La politique du Premier ministre, consistant à traiter le groupe terroriste, au détriment d’Abbas et de la création d’un État palestinien, a causé des blessures incommensurables

Pendant des années, les différents gouvernements dirigés par Benjamin Netanyahu ont adopté une approche qui divisait le pouvoir entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie, en mettant à genoux le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, tout en prenant des mesures qui renforçaient le groupe terroriste palestinien du Hamas.

L’idée était d’empêcher Abbas – ou tout autre membre du gouvernement de l’AP en Cisjordanie – de progresser vers la création d’un État palestinien.

Ainsi, dans le cadre de cette tentative d’affaiblir Abbas, le Hamas est passé du statut de simple groupe terroriste à celui d’organisation avec laquelle Israël menait des négociations indirectes par l’intermédiaire de l’Égypte, et qui était autorisée à recevoir des injections de fonds de l’étranger.

Le Hamas a également été inclus dans les discussions sur l’augmentation du nombre de permis de travail accordés par Israël aux travailleurs gazaouis, ce qui a permis à l’argent de continuer à circuler dans la Bande de Gaza, et donc de nourrir les familles et d’acheter des produits de première nécessité.

Les responsables israéliens ont déclaré que ces permis, qui permettent aux travailleurs gazaouis de gagner des salaires plus élevés qu’ils ne le feraient dans l’enclave, constituaient un outil puissant pour préserver le calme.

Vers la fin du cinquième mandat de Netanyahu, en 2021, environ 2 000 à 3 000 permis de travail avaient été délivrés aux habitants de Gaza. Ce nombre est passé à 5 000 et, sous le gouvernement Bennett-Lapid, il a fortement augmenté, pour atteindre 10 000.

Depuis que Netanyahu est revenu au pouvoir en janvier 2023, le nombre a grimpé en flèche pour atteindre près de 20 000 permis de travail.

En outre, depuis 2014, les gouvernements dirigés par Netanyahu ont pratiquement fermé les yeux sur les ballons incendiaires et les tirs de roquettes en provenance de Gaza.

Pendant ce temps, Israël autorise depuis 2018 des valises contenant des millions en argent qatari à entrer à Gaza par ses points de passage, afin de maintenir son fragile cessez-le-feu avec les dirigeants du Hamas dans la Bande de Gaza.

La plupart du temps, la politique israélienne consistait à considérer l’AP comme un fardeau et le Hamas comme un atout. Le député d’extrême-droite Bezalel Smotrich, aujourd’hui ministre des Finances du gouvernement de droite et chef du parti HaTzionout HaDatit, l’avait lui-même déclaré en 2015.

Selon différentes informations, Netanyahu avait tenu des propos similaires lors d’une réunion de la faction du Likud au début de l’année 2018, lorsqu’il aurait déclaré que ceux qui s’opposent à un État palestinien devraient soutenir le transfert de fonds vers Gaza, car le maintien de la séparation entre l’AP en Cisjordanie et le Hamas à Gaza empêcherait la création d’un État palestinien.

Bien que Netanyahu ne fasse pas ce genre de déclarations publiquement ou officiellement, ses propos sont conformes à la politique qu’il a mise en œuvre.

Le même message a été répété par les commentateurs de droite, qui ont peut-être reçu des informations à ce sujet ou parlé à des hauts responsables du Likud et ont compris le message.

Soutenu par cette politique, le Hamas n’a cessé de se renforcer jusqu’à samedi, le “Pearl Harbor” d’Israël, le jour le plus sanglant de son Histoire, lorsque des terroristes ont franchi la frontière, massacré des centaines d’Israéliens et en ont enlevé un nombre inconnu, sous des salves de milliers de roquettes tirées sur des villes du sud et du centre du pays.

Le pays a connu des attentats et des guerres, mais jamais d’une telle ampleur en une seule matinée.

Une chose est claire : l’idée de renforcer indirectement le Hamas – tout en tolérant des attaques sporadiques et des opérations militaires mineures toutes les quelques années – est partie en fumée samedi.

Il y a quelques jours, Assaf Pozilov, journaliste à la chaîne publique israélienne Kan, a tweeté ce qui suit : “L’organisation du Jihad islamique palestinien a entamé un exercice bruyant tout près de la frontière, au cours duquel elle s’est entraînée à lancer des missiles, à pénétrer en Israël et à kidnapper des soldats.”

La différence entre le Jihad islamique palestinien et le Hamas n’a pas beaucoup d’importance à ce stade. Pour l’État d’Israël, le territoire est sous le contrôle du Hamas, qui est responsable de tous les entraînements et de toutes les activités qui s’y déroulent.

Le Hamas s’est renforcé et a utilisé les auspices de la paix tant attendue par les Israéliens comme couverture pour son entraînement, et des centaines d’Israéliens ont payé de leur vie cette omission massive.

Le terrorisme infligé à la population civile en Israël est tellement énorme que les blessures ne guériront pas avant des années, un défi aggravé par les dizaines de personnes enlevées à Gaza.

À en juger par la façon dont Netanyahu a géré Gaza au cours des 13 dernières années, il n’est pas certain qu’il y aura une politique claire à l’avenir.

08/10/2023, Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas. Aujourd’hui, on en paie le prix, The Times of IsraëlCommentaire, Monde en Question.

Lire aussi :
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.

La réévaluation américaine du gouvernement de Netanyahu a commencé

 

Chaque fois que les gens me demandent ce que je fais dans la vie, je leur réponds que je suis traductrice de l’anglais vers l’anglais. J’essaie de prendre des sujets complexes et de les rendre compréhensibles, d’abord pour moi-même, puis pour les lecteurs – et c’est ce que je veux faire ici concernant trois questions interdépendantes : Pourquoi le cabinet israélien essaie-t-il d’écraser la Cour suprême du pays ? Pourquoi le président Biden a-t-il dit à CNN que “c’est l’un des cabinets israéliens les plus extrêmes” qu’il ait jamais vus ? Et pourquoi l’ambassadeur américain en Israël vient-il de dire que l’Amérique s’efforce d’empêcher Israël de “dérailler” ?

La réponse courte aux trois questions est que l’équipe Biden voit le gouvernement israélien d’extrême droite, dirigé par Benjamin Netanyahu, engagé dans un comportement radical sans précédent – sous le couvert d’une “réforme” judiciaire – qui sape nos intérêts communs avec Israël, notre des valeurs partagées et la fiction partagée d’une importance vitale sur le statut de la Cisjordanie qui a maintenu à peine vivants les espoirs de paix.

Si vous voulez avoir une idée de la tension entre les États-Unis et ce cabinet israélien, dirigé par des extrémistes, considérez que quelques heures après que Biden ait mentionné à Fareed Zakaria de CNN à quel point certains membres du cabinet de Netanyahu étaient “extrêmes”, l’un des plus extrêmes parmi eux tous, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a dit à Biden d’écraser – qu’“Israël n’est plus une autre étoile sur le drapeau américain”.

Gentil, hein ? Selon un rapport du Congressional Research Service de 2020 , Israël a reçu le plus d’aide étrangère américaine de tous les pays du monde depuis la Seconde Guerre mondiale, à 146 milliards de dollars, non corrigé de l’inflation. C’est toute une allocation et qui aurait mérité un peu plus de respect pour le président américain de Ben-Gvir, qui dans sa jeunesse a été reconnu coupable d’incitation au racisme contre les Arabes.

Il y a un sentiment de choc aujourd’hui parmi les diplomates américains qui ont traité avec Netanyahu, le Premier ministre israélien le plus ancien et un homme d’une intelligence et d’un talent politique considérables. Ils ont juste du mal à croire que Bibi se laisserait mener par le bout du nez par des gens comme Ben-Gvir, serait prêt à risquer les relations d’Israël avec l’Amérique et avec les investisseurs mondiaux et SERAIT PRÊT À RISQUER UNE GUERRE CIVILE EN ISRAËL juste pour rester au pouvoir avec un groupe de chiffres et d’ultranationalistes.

Mais c’est ce que c’est – et c’est moche. Des dizaines de milliers de protecteurs de la démocratie israélienne ont bloqué les routes et les autoroutes et ont assiégé l’aéroport de Tel Aviv mardi pour faire comprendre à Netanyahu que s’il pense qu’il peut étouffer la démocratie israélienne comme ça, il se trompe lourdement.

La rupture américano-israélienne des valeurs partagées commence par le fait que la coalition au pouvoir de Netanyahu, qui a accédé au pouvoir avec la marge la plus étroite , a décidé de se comporter comme si elle avait remporté une victoire écrasante et a immédiatement changé l’équilibre des pouvoirs établi de longue date entre le gouvernement et la Cour suprême, seul contrôle indépendant du pouvoir politique.

Cette semaine, Netanyahu et ses collègues ont commencé à faire adopter à toute vapeur par la Knesset un projet de loi qui empêcherait le système judiciaire israélien d’utiliser la doctrine du caractère raisonnable établie de longue date dans le droit israélien qui donne à la Cour suprême le droit de réviser et d’annuler les décisions jugées irresponsables ou contraires à l’éthique prises par le cabinet, des ministres du gouvernement et certains autres élus.

Comme l’a écrit lundi David Horovitz, rédacteur en chef fondateur du centre centriste Times of Israel, “Seul un gouvernement décidé à faire ce qui est déraisonnable agirait pour s’assurer que les juges – le seul frein au pouvoir de la majorité dans un pays sans constitution et sans statut, défense inébranlable de la liberté de religion, de la liberté d’expression et d’autres droits fondamentaux – ne peut pas examiner le caractère raisonnable de ses politiques”.

Un changement aussi énorme dans le système judiciaire israélien largement respecté, qui a guidé l’émergence d’une remarquable économie de démarrage, est quelque chose qui ne devrait être fait qu’après étude par des experts non partisans et avec un large consensus national. C’est ainsi que les vraies démocraties font ces choses, mais il n’y a rien eu de tel dans le cas de Netanyahu. Cela souligne que toute cette farce n’a rien à voir avec la “réforme” judiciaire et tout à voir avec une prise de pouvoir nue par chaque segment de la coalition de Netanyahu.

Les colons juifs veulent que la Cour suprême soit écartée afin qu’ils puissent créer des colonies dans toute la Cisjordanie et confisquer facilement les terres palestiniennes. Les ultra-orthodoxes veulent que la Cour suprême soit écartée afin que personne ne puisse dire à leurs fils qu’ils doivent servir dans l’armée israélienne ou dire à leurs écoles qu’ils doivent enseigner l’anglais, les mathématiques, les sciences et les valeurs démocratiques. Et Netanyahu veut que le tribunal soit à l’écart afin qu’il puisse nommer les hacks politiques qu’il veut à des postes clés.

Lundi, le projet de loi sur la refonte judiciaire a reçu la première des trois lectures dont il a besoin pour passer, ce que le cabinet de Netanyahu dit vouloir faire d’ici la suspension de la Knesset pour l’été le 31 juillet. quelques mois — sans débat national sérieux ni témoignages d’experts ou tentative du chef national de forger un consensus?

Si les centaines de milliers de défenseurs israéliens de la démocratie, qui sont descendus dans la rue tous les samedis depuis plus de six mois, ne peuvent pas empêcher le mastodonte Netanyahu de faire adopter ce projet de loi, il le fera, comme l’a écrit l’ancien Premier ministre Ehud Barak l’ autre jour dans Haaretz, “dégrader Israël en une dictature corrompue et raciste qui effondrera la société, isolera le pays” et mettra fin au “chapitre démocratique” de l’histoire d’Israël.

Permettez-moi de donner un exemple très concret. Dans le cadre de l’accord initial de formation du gouvernement que Netanyahu a signé avec ses partenaires de la coalition de droite l’année dernière, il a nommé Aryeh Deri, le chef du parti ultra-orthodoxe Shas, pour servir d’abord comme ministre de l’Intérieur et de la Santé, puis, dans deux ans, comme ministre des Finances . , en rotation avec le chef du Parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich.

Deri a été reconnu coupable à trois reprises de délits financiers qui l’ont envoyé en prison, notamment pour évasion fiscale et acceptation de pots-de-vin. La Cour suprême israélienne, par un vote de 10 contre 1, a déclaré à Netanyahu en janvier dernier que sa nomination d’un fraudeur fiscal condamné et d’un preneur de pots-de-vin en tant que ministre du gouvernement était “extrêmement déraisonnable” et en “grave contradiction avec les principes de base qui devraient guider le gouvernement”. Premier ministre lorsqu’il nomme les ministres.

Netanyahu, qui est lui-même jugé pour corruption, veut neutraliser la Cour suprême afin qu’elle ne puisse pas l’empêcher de nommer ce fraudeur fiscal comme son ministre des Finances pour superviser, entre autres, les contributions des contribuables israéliens et américains au Trésor israélien. Qu’en est-il de la “réforme” judiciaire ?

Passons maintenant aux intérêts communs. L’un des intérêts communs israéliens et américains les plus importants était la fiction partagée selon laquelle l’occupation israélienne de la Cisjordanie n’était que temporaire et qu’un jour il pourrait y avoir une solution à deux États avec les 2,9 millions de Palestiniens qui s’y trouvent. Par conséquent, les États-Unis n’ont pas à s’inquiéter des plus de 500 000 colons israéliens qui s’y trouvent. Certains resteront lorsqu’il y aura un accord à deux États ; d’autres iront.

En raison de cette fiction partagée, les États-Unis ont presque toujours défendu Israël à l’ONU et à la Cour internationale de justice de La Haye contre diverses résolutions ou jugements selon lesquels il n’occupait pas temporairement la Cisjordanie mais l’annexait en fait de façon permanente.

Ce gouvernement israélien fait maintenant de son mieux pour détruire cette fiction qui fait gagner du temps. Depuis qu’il a prêté serment au pouvoir en décembre, Netanyahu a approuvé plus de 7 000 nouveaux logements, la plupart en Cisjordanie profonde . Le gouvernement a également amendé une loi pour permettre aux colons sauvages de retourner dans quatre colonies dont l’armée israélienne les avait expulsés, rompant ainsi l’engagement pris par le président George W. Bush de ne pas le faire.

Smotrich, le ministre des Finances de Netanyahu, a déclaré en mars qu’il n’y avait “rien de tel que les Palestiniens parce qu’il n’y a rien de tel que le peuple palestinien”. Le parti de Smotrich s’oppose à l’établissement d’un État palestinien et est favorable à l’annexion.

La destruction régulière par Netanyahu de cette fiction partagée pose maintenant un réel problème pour d’autres intérêts communs américains et israéliens : elle menace la stabilité de la Jordanie, un intérêt vital américain et israélien. Cela pousse les États arabes qui se sont joints à Israël dans les accords d’Abraham à faire marche arrière. Cela donne aux Saoudiens une réelle pause pour aller de l’avant avec la normalisation avec un régime israélien aussi imprévisible.

Et cela oblige les États-Unis à choisir. Si le gouvernement de Netanyahu veut se comporter comme si la Cisjordanie était Israël, alors les États-Unis devront insister sur deux choses. Premièrement, que l’accord d’exemption de visa qu’Israël attend des États-Unis – qui permettrait aux citoyens israéliens d’entrer aux États-Unis sans visa, y compris les plus de 500 000 colons israéliens vivant en Cisjordanie – devrait s’appliquer à l’ensemble des 2,9 millions de Palestiniens de Cisjordanie aussi. Pourquoi pas? Pourquoi un colon israélien dans la ville cisjordanienne d’Hébron devrait-il entrer aux États-Unis sans visa et pas un Palestinien d’Hébron, surtout quand ce gouvernement israélien dit effectivement qu’Hébron appartient à Israël ?

Pourquoi les États-Unis devraient-ils continuer à défendre l’idée à l’ONU et à la Cour internationale qu’Israël n’occupe que temporairement la Cisjordanie – et n’y pratique donc pas une forme d’apartheid – alors que ce gouvernement israélien semble ouvertement déterminé à annexer l’Occident Banque et a donné à deux des annexionnistes les plus actifs, Smotrich et Ben-Gvir, des pouvoirs sécuritaires et financiers étendus sur les colonies dans cette région ?

Le très décent et modéré président d’Israël, Isaac Herzog, qui a supplié la coalition de Netanyahu de s’abstenir de forcer tout changement dans le système judiciaire et de ne le faire que par consensus national, rencontrera Biden à Washington la semaine prochaine. C’est la façon dont Biden signale que son problème n’est pas avec le peuple israélien mais avec le cabinet extrémiste de Bibi.

Mais je ne doute pas que le président américain transmettra au président israélien le message – par chagrin, pas par colère – que lorsque les intérêts et les valeurs d’un gouvernement américain et d’un gouvernement israélien divergent à ce point, une réévaluation de la relation est inévitable .

Je ne parle pas d’une réévaluation de notre coopération militaire et de renseignement avec Israël, qui reste forte et vitale. Je parle de notre approche diplomatique de base vis-à-vis d’un Israël qui s’enferme sans vergogne dans une solution à un seul État : un État juif uniquement, avec le sort et les droits des Palestiniens à déterminer

Une telle réévaluation basée sur les intérêts et les valeurs des États-Unis serait un amour dur pour Israël, mais une réelle nécessité avant qu’il ne déraille vraiment. Le fait que Biden soit prêt à se mettre à la face de Netanyahu avant les élections américaines de 2024 suggère que notre président pense qu’il a le soutien non seulement de la plupart des Américains pour cela, mais de la plupart des Juifs américains et même de la plupart des Juifs israéliens .

Il a raison sur les trois points.

The New York Times (traduction automatique)

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