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Juifs et Palestiniens, nous n’avons pas le choix, nous devrons vivre ensemble

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Longtemps tenant d’une solution à deux États, Shlomo Sand explique que le réel l’a persuadé que seule une fédération ou une confédération était désormais viable.

Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme a été écrit avant le 7 octobre. Mais, indique Shlomo Sand à Middle East Eye, il n’aurait “pas changé une ligne théorique” s’il l’avait publié après.

“Peut-être aurais-je précisé que le 7 octobre est une confirmation de mes craintes. Nous ne pouvons qu’aller vers une organisation politique des deux peuples en fédération ou confédération. Sinon, ce sera toujours plus de catastrophes pareilles au 7 octobre et ses conséquences à Gaza. Mais avant d’arriver à ce compromis historique entre les deux peuples, nous connaîtrons d’autres catastrophes qui rendront cette solution politique indispensable.”

Dans son pessimisme volontariste, l’historien israélien, qui se réclame du réel et refuse toute utopie, reste persuadé que juifs et Palestiniens sont “condamnés à vivre ensemble, sinon ils disparaîtront ensemble”. “Je ne pense pas qu’un État juif seul puisse survivre au Moyen-Orient. Pas plus qu’un État palestinien d’ailleurs”, estime-t-il.

Une fois posé ce constat de la nécessité d’un État binational, Shlomo Sand en appelle… au sionisme. Mais pas n’importe lequel. Car, et c’est l’une des forces de cet essai paru aux éditions du Seuil en janvier dernier, l’historien plonge dans les textes oubliés de certains penseurs du sionisme. Ceux-là même qui ont très vite pensé un État binational pour les juifs et les Arabes en Palestine ottomane puis mandataire, alors même que l’idée d’un foyer national juif émergeait dans une Europe gagnée par le droit à l’autodétermination des peuples.

Le sionisme a créé une forme de “cercle mythologique”, selon l’expression de Sand, qui a généré une linéarité historique, depuis une dispersion des juifs relatée par la Bible à un “retour” en “Eretz Yisrael” (Terre d’Israël). Mais Shlomo Sand fait œuvre d’historien et sort de ce cercle univoque, en considérant le sionisme comme un objet théorique et pluriel.

Une idéologie européanocentrée

Certes, détaille Shlomo Sand dans son essai, c’est le sionisme de son fondateur Theodor Herzl et celui des dirigeants de l’État d’Israël tout juste créé qui s’est très vite imposé. “Ce sont eux qui ont façonné Israël, dans un rapport de force avec le monde arabe”, explique-t-il à Middle East Eye. Un sionisme très imprégné par l’orientalisme européen.

Le sionisme de Herzl ou encore de Vladimir Jabontinsky, théoricien de la droite sioniste nationaliste, qui a gagné la bataille idéologique en Israël, était profondément imprégné d’une vision européenne de l’État-nation : dimension raciale, quête de la majorité démographique, imprégnation du colonialisme européen, orientalisme.

Herzl pensait le futur État juif comme une avancée occidentale dans la Palestine ottomane. Jabotinsky niait tout assentiment des indigènes de Palestine à une présence juive et célébrait la force. Et le Premier ministre David Ben Gourion avait l’obsession d’une majorité juive pour le tout jeune État israélien. Tous trois ont largement façonné l’Israël moderne.

De même, ils ont très vite affirmé un refus acharné d’établir une structure politique reposant sur le principe démocratique “un homme, une voix” qui risquerait d’handicaper la colonisation juive.

Ce livre montre également comment le sionisme a été très influencé par un antisémitisme chrétien persistant. Shlomo Sand écrit ainsi que cette idée de propriété “naturelle” sur la Palestine avait reçu un accueil très favorable dans le monde occidental chrétien, notamment car elle portait la promesse d’une réduction de la présence des juifs en Europe.

Les pères oubliés d’un autre sionisme

Mais en travaillant à cet ouvrage, l’historien indique avoir été étonné de découvrir d’autres courants du sionisme qui ont pensé et réclamé un État binational. “Ils refusaient l’idée d’un État juif exclusif, parce qu’ils connaissaient la Palestine ottomane ou mandataire, pour y avoir vécu.” Ces tenants d’un État binational étaient à la fois idéalistes et pragmatiques, indique-t-il à MEE.

Les noms d’Ahad Haam (nom de plume signifiant “un du peuple” ), Bertrand Lazare, Gershom Scholem, Martin Buber, Albert Einstein, Hannah Arendt, Avraham B. Yehoshua, Uri Avnery, pour les plus connus, viennent émailler l’ouvrage. Essayiste, religieux, écrivain, philosophe, ils ont tous tenté de penser un État binational.

La plupart restent connus en Israël comme les penseurs d’un sionisme dit “spirituel”, profondément innervé par l’éthique et la religion juives. Une grande partie des pacifistes étaient religieux, contrairement aux athées Herzl, Jabotinsky ou Ben Gourion.

Leurs écrits dédiés à l’État binational sont peu connus, explique Sand à MEE : “Leurs théories consacrées aux indigènes arabes ont été occultées pour ne conserver que ceux où ils liaient le sionisme aux textes religieux du judaïsme.”

Pour ces autres penseurs sionistes, attachés à un État binational, la Palestine mandataire était un lieu sémite et non occidental. Ils avaient observé une terre peuplée, contrairement au slogan de Herzl “une terre sans peuple pour un peuple sans terre”. Ils se sentaient eux-mêmes profondément sémites et voyaient dans le “retour” en Palestine un moyen de retrouver leur orientalité perdue.

“Étonnamment, ces penseurs qui militaient pour un État binational voyaient aussi dans le peuple juif un peuple-race. Et c’est précisément pour cela qu’ils pensaient qu’on pouvait se rapprocher des Arabes, car c’était la même race sémite. Pour eux, le peuple juif était sémite et devait vivre avec les Arabes, dans l’espoir d’une race sémite à nouveau unifiée”, explique Sand à MEE.

Ces pacifistes “sémites” étaient sûrs de trouver de nombreux points de convergence, spirituelle et biologique, avec l’Orient et les Arabes, note ainsi Sand dans son ouvrage. Et contrairement à Herzl par exemple, certains d’entre eux avaient très vite rejeté la déclaration Balfour, qui avait garanti la création d’un “foyer juif” en terre ottomane, y décelant une démonstration de force impérialiste.

Pour certains d’entre eux, les habitants de la Palestine figuraient même les descendants des Judéens islamisés après les conquêtes arabes.

Dans le détail, Shlomo Sand consacre des pages minutieuses à ces penseurs d’un binationalisme sémite. Il évoque ainsi Ahad Haam, qui avait adhéré au sionisme dans les années 1880. Ahad Haam s’était rendu en Palestine ottomane, y avait vécu et appris l’arabe.

On découvre aussi le groupe Brit Shalom (“association pour la paix”), créé en 1925, qui se voulait porteur d’une éthique consistant à vivre dans le pays avec les habitants, sans désir de les remplacer. Parmi ses membres, Martin Buber, Judah Leon Magnes ou encore Albert Einstein, qui ont pensé un État pour deux nations, avec une parfaite égalité des droits, indépendamment de toute question de supériorité démographique. Dans cet État binational, les lieux saints auraient été en situation d’extraterritorialité et il n’y avait pas de place pour une religion d’État.

D’autres encore traversent cet essai riche et passionnant : le mouvement de l’Ihoud (“unité” ), fondé en 1942 par Leon Magnes ou Martin Buber, ou encore l’Action sémite, fondé par Uri Avnery en 1956. Ce dernier plaidera pour le “cananéisme”, ou l’idée d’une une nation fondée ni sur l’hébraïté ni sur l’arabité, mais sur leur coexistence binationale.

Quant à Avraham B. Yehoshua, il verra dans l’“être israélien” la première expression de l’autodétermination de l’homme juif. L’écrivain israélien pensait ainsi une citoyenneté découplée de la religion.

Un pessimisme volontaire

L’essai de Sand dit aussi l’évolution d’un historien et d’un Israélien. Longtemps tenant d’une solution à deux États, le réel, dit-il, l’a persuadé que seule une fédération ou une confédération était désormais viable.

Shlomo Sand se veut pragmatique. “J’ai commencé à lire [ces auteurs] car je commençais à être désespéré par les slogans creux israéliens ou internationaux, comme ‘’la solution à deux États’’, qui ne correspondent en rien à la réalité du terrain”, indique-t-il à MEE.

Autre sentiment qui l’a traversé, une lassitude devant la “pièce tragicomique” qu’a été un processus de paix jamais abouti. Un hiatus, dit-il, entre des discours politiques creux et abstraits et une réalité effective d’un État déjà binational.

Il fait ainsi le lien entre les analyses d’Arendt, qui avait estimé qu’un État juif exclusif connaîtrait une guerre tous les dix ans, et sa vie de tous les jours à Tel Aviv : “Je vois bien que l’État israélien, tel qu’il se définit comme un État juif, ne survivra pas”, affirmera-t-il plusieurs fois.

La plongée dans ses souvenirs de jeune soldat, démobilisé en 1967, en pleine euphorie de la conquête de Jérusalem, traverse aussi le livre et l’entretien avec MEE. “Dès 67, j’ai réclamé un État palestinien à côté d’un État israélien. J’avais failli mourir lors de cette guerre. À Jérusalem, j’avais rejoint ceux qui critiquaient le gouvernement israélien. Puis je me suis tourné vers la gauche radicale car j’étais persuadé qu’il n’y avait pas d’avenir avec l’occupation.”

À rebours de l’ivresse messianiste et nationaliste qui a saisi Israël, le droit à l’autodétermination pour les deux peuples constitués entre la mer Méditerranée et le Jourdain, à l’occasion d’un processus douloureux et violent, lui a servi de “ligne de conduite”, écrit-il.

Mais depuis, la Cisjordanie est occupée par plus de 875 000 colons. Quatre ministres du gouvernement actuel et un chef d’état-major y vivent même. “Nous sommes de facto dans un État binational”, martèle Sand. “Nous sommes désormais tellement imbriqués l’un à l’autre, de façon irréversible, qu’au fond, je me dis que l’occupation née de 1967 a dévoilé celle qui aurait pu arriver en 1948, s’il n’y avait pas eu l’expulsion de 700 000 Palestiniens.”

Côté palestinien, toute une partie de la population vit sous un régime qu’il qualifie d’apartheid. “La mobilisation publique pour défendre la démocratie israélienne n’a aucunement mentionné le fait que depuis 56 ans, plusieurs millions de Palestiniens vivent sous un régime militaire et sont privés de droits civiques, juridiques et politiques”, écrit-il. Une situation intenable, affirme-t-il à MEE.

De plus, l’Autorité palestinienne ne dispose pas de soutien populaire, estime-t-il, notant qu’il n’y a pas eu d’élections en Cisjordanie ou à Gaza depuis des années. En outre, l’Autorité palestinienne dépend politiquement, socialement, économiquement d’Israël.

“J’en suis donc arrivé à la conclusion qu’il fallait transformer une situation de facto en situation de jure. Le plus important dans un État binational de jure est l’égalité des droits. Un homme ou une femme égale une voix”, détaille-t-il pour MEE.

Outre le principe d’égalité, Shlomo Sand plaide aussi pour doter les communautés de droits assurant le respect du principe d’égalité. Chacune doit pouvoir être en mesure de garder ses spécificités religieuses, culturelles, linguistiques.

Et c’est du côté de modèles effectifs, tels la Suisse, la Belgique ou encore le Canada, que regarde l’historien. Des “démocraties de concordance” dans lesquelles les droits des individus sont reconnus, mais également où des droits collectifs seront attribués aux différentes communautés linguistiques.

“Évidemment, penser tout cela après le 7 octobre est encore plus compliqué. Mais la haine n’apporte rien. Tous les conflits ont eu une fin. Nous n’avons pas le choix. Nous pouvons vivre avec les Palestiniens car, de fait, nous vivons déjà avec eux”, assure-t-il. La seule chose qui pourrait faire obstacle à cette idée, nuance-t-il toutefois, est ce qu’il nomme “la symbiose entre le nationalisme et la religion”.

Si ce phénomène ne date pas du 7 octobre et s’observe aussi bien en Israël que du côté des Palestiniens, il menace l’hypothèse d’un État binational.

L’opinion israélienne l’inquiète aussi. “Le mot d’ordre est la sécurité avant tout. Puis les Israéliens ne connaissent pas les Palestiniens, ce qui n’est pas vrai dans l’autre sens. Les Israéliens ne parlent pas l’arabe, alors que les Palestiniens apprennent généralement l’hébreu.”

Le pessimisme volontaire de Sand nomme aussi deux peurs : “Le 7 octobre a contribué à la montée de l’antisémitisme. J’ai aussi écrit cet essai pour empêcher les gens de devenir antisémites.” L’autre peur est une nouvelle expulsion des Palestiniens : “Ce qui s’est passé en 48 peut être refait”, écrit-il aussi, comme pour conjurer cette hypothèse.

Shlomo Sand : “Juifs et Palestiniens, nous n’avons pas le choix, nous devrons vivre ensemble”, Middle East Eye, 12/04/2024.

Lire aussi :
Shlomo SAND, Deux peuples pour un État ? – Relire l’histoire du sionisme, 2024 [Partage en ligne].
État unique Palestine-Israël, Monde en Question.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.

Toujours plus loin dans l’horreur du génocide

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Ce 1er avril on apprend que l’armée israélienne s’est retirée de l’hôpital Al-Shifa qu’elle avait envahi deux semaines auparavant. Deux semaines pendant lesquelles les images et les informations parvenues du plus grand hôpital de Gaza glaçaient le sang : explosions, incendies, tirs, arrestations, disparitions…

Après ce retrait, l’horreur envahit celles et ceux qui veulent bien regarder : plus de 300 femmes, enfants et hommes massacrés. Beaucoup exécutés les mains attachées, certains écrasés par des chars, brûlés ou coupés en morceaux par des missiles, des restes squelettiques et des morceaux humains partout, en décomposition.

Ces scènes atroces nous parviennent, filmées par des témoins, des récits glaçants. Les crimes de l’armée israélienne dépassent tout ce que l’on aurait pu imaginer. Elle a assiégé, terrorisé et affamé le personnel et les patients pendant 11 jours jusqu’à ce que des asticots apparaissent sur les blessures de certains.

Parmi les cadavres, celui du docteur Ahmad Al-Maqadma et sa mère. Le dernier contact avec eux datait de 4 jours auparavant.

Parallèlement aux « opérations » à l’intérieur de l’hôpital, Israël finissait de détruire méthodiquement tout le quartier alentour, massacrant les habitants, famille après famille, sous les bombes, arrêtant les civils sans discrimination, jusqu’à une femme de 94 ans dont plus personne n’a de nouvelles. Des personnes sommées de fuir pour avoir la vie sauve, pour être ensuite tirées comme des lapins.

Et Israël affirme qu’aucun civil n’a été tué.

Et pendant ce temps-là, la famine gagne de plus en plus, tous les voyants sont au rouge. A Gaza, on ne meurt plus seulement sous les bombes ou de défaut de soin, on meurt de faim. Et pas à cause d’une catastrophe naturelle, mais par la volonté d’Israël qui a programmé depuis six mois la famine à Gaza.

Malgré l’obligation rappelée fin mars à Israël par la Cour internationale de justice (CIJ) de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire, les camions sont toujours bloqués ; malgré le cessez-le-feu immédiat imposé par le vote du Conseil de sécurité de l’ONU, qui permettrait leur acheminement, Israël continue les bombardements.

Le lendemain de l’évacuation de l’hôpital Al-Shifa, Israël assassinait sept travailleurs humanitaires de l’organisation World Central Kitchen en visant méthodiquement, l’un après l’autre, leurs trois véhicules. C’est bien leur présence dans le nord de la bande de Gaza pour tenter de contrer la famine qu’Israël veut interdire. Opération réussie, ils se sont retirés.

Le fait que ces travailleurs humanitaires soient occidentaux a suscité une indignation et condamnation internationale unanime. Il faut rappeler que 189 personnels humanitaires dont 175 membres des agences de l’ONU ont déjà été victimes des crimes de guerre à Gaza.

Le même jour, il a bombardé une ambassade d’un pays tiers faisant 11 morts.

Israël franchit toutes les lignes rouges les unes après les autres sans que personne ne l’arrête : toujours l’impunité la plus totale ! Les États-Unis continuent de lui fournir des armes ; quant à la France, écoutons Yaël Braun Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale, à qui la question des sanctions a été posée : « le temps n’est pas venu des sanctions, le temps est venu de poursuivre le dialogue ».

Comme si le dialogue avec des criminels de cet acabit avait la moindre chance d’aboutir. La présidente de l’Assemblée nationale sait pourtant parfaitement que la France a l’obligation d’agir pour que les ordonnances de la CIJ soient appliquées, d’agir pour que le génocide en cours soit arrêté. Seules des sanctions pourront avoir un effet sur Israël : suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, embargo militaire, rupture des relations diplomatiques graduées prévues. La vie des Palestiniens a-t-elle si peu d’importance ? Comment cette complicité de fait peut-elle être assumée avec autant de désinvolture ?

Association France Palestine Solidarité

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Munther Amira revenu de l’enfer israélien

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Le 18 décembre nous apprenions avec effroi l’arrestation de Munther Amira, au milieu de la nuit dans des conditions extrêmement violentes, chez lui dans le camp de réfugiés d’Aida. C’était sa dixième arrestation. Son frère avait été tellement battu qu’il avait perdu connaissance ; il ne savait pas s’il était vivant ou mort. Les premières minutes laissaient présager de la manière dont il allait être traité par la suite.

Pendant près d’une semaine personne n’a eu de ses nouvelles, Israël ayant édicté de nouvelles “règles” depuis le 7 octobre concernant les prisonniers politiques palestiniens, les isolant du reste du monde. Il avait ensuite été placé en détention administrative comme la plupart des milliers de Palestiniens arrêtés depuis le 7 octobre ; son appel avait été rejeté.

Le 29 février, nous apprenions que Munther Amira était libéré ainsi que 40 autres : difficile de le reconnaître, tant il était amaigri – il a perdu 32 kg en deux mois et demi ; deux jours après 25 autres prisonniers ont été libérés. En fait, il n’y a plus de place dans les prisons et comme l’armée d’occupation arrête une vingtaine de Palestiniens chaque jour, ils commencent à faire de la place. L’objectif d’Israël est de soumettre le maximum de Palestiniens aux traitements inhumains et dégradants qu’ils leur font subir dans leurs geôles, ils espèrent ainsi briser leur volonté afin qu’ils renoncent à résister à l’occupation.

Concernant Munther Amira, leur objectif a échoué. Depuis qu’il est sorti de cet enfer, il ne cesse de témoigner et de raconter l’horreur. Le terme qui revient le plus dans ses propos est tombeau.

Je ne savais pas si je sortirai de ce tombeau, si je reverrai ma femme, mes enfants et mes petits-enfants. Jamais je n’aurais imaginé vivre un tel enfer. Jamais les Palestiniens n’ont vécu de tels conditions en prison. Nous sommes humiliés, frappés, battus dès le premier instant, tous les jours

On se souvient des propos du ministre israélien Galant qui avait traité les Palestiniens de Gaza d’animaux humains. En fait ce sont tous les Palestiniens qui sont considérés par Israël, par son armée et par son administration pénitentiaire comme des animaux humains.

Les humains marchent sur leurs pieds, j’ai été contraint, dénudé, de marcher à quatre pattes, pieds et mains entravés. Comme je redressais la tête parce qu’il n’est pas question de baisser la tête devant eux, ils m’ont battu me disant que même les yeux je n’avais pas le droit de les lever. Ils nous faisaient manger dans les coins de la cellule, dans des écuelles, comme des chats ; nous donnaient leurs restes de repas qu’ils bourraient de sel.” Les rations quotidiennes pour 13 étaient celles prévues pour deux personnes. Et encore pas tous les jours. Les restes des soldats venaient en complément ou en substitution.

Munther Amira explique que tous les droits que les prisonniers politiques palestiniens avaient gagnés par leurs mouvements y compris de grève de la faim ces 15 dernières années ont été annihilés : aucune relation avec la famille, rien. Les entretiens avec les avocats réduits et rares ; les comparutions, de véritables mascarades en visio-conférences. Ils ne disposaient de rien dans les cellules, rien ; même pas un stylo et une feuille de papier. Ils étaient 13 dans une cellule pour 5. Pas de promenade, 15 minutes de douche tous les 3 jours pour les 13 de la cellule ; des matelas de 5 centimètres d’épaisseur, pas de couverture.

Lors d’un transfert d’une prison à l’autre, dénudé, ils l’ont couché devant la porte du véhicule et les 12 soldats lui ont marché sur le dos “comme s’il n’y avait pas d’autre chemin que mon dos pour entrer dans ce camion

Je n’avais pas mes médicaments, puis pas les plus importants et en quantité insuffisante, mais mon seul défi était de garder ma santé mentale. Je peux supporter la souffrance physique mais la souffrance mentale, non. Ne pas perdre la tête ! Il n’y avait rien à faire, rien, rien d’autre que de compter les minutes, les secondes, en attendant le moment où essayer de dormir.

Trois fois par jour les geôliers pénétraient dans la cellule avec deux gros chiens, à 4 heures, à midi et à 18 heures. Certaines fois, c’étaient de véritables attaques ; ce fut le cas quand l’un d’eux avait tenté de mettre fin à ses jours.

Ils nous traitent comme des criminels, nous traitent de criminels, mais nous sommes des combattants de la liberté. Rien ne m’empêchera de continuer à me battre pour mes droits et ma liberté. Je ne veux la mort de personne, je veux juste mes droits.

Le témoignage de Munther Amira ne fait que confirmer ce que nous savions sur le traitement des prisonniers politiques palestiniens par le régime d’apartheid israélien, il glace le sang. L’Association France Palestine Solidarité leur apporte tout son soutien et sa solidarité et continuera de dénoncer ces faits.

Israël viole tous les droits des Palestiniens, cela doit cesser, notre gouvernement doit cesser par son silence de se rendre complice de ces crimes et exiger avec nous la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens.

Association France Palestine SolidaritéVidéo

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Israël creuse sa propre tombe

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J’ai découvert par hasard cet article publié par Jeune Afrique en 2007 !
Ehoud Olmert fut le premier Premier ministre corrompu de l’État d’Israël qui, comme Benjamin Netanyahu aujourd’hui, se préoccupait plus de sa carrière que des Israéliens.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Palestine en Question

En s’obstinant à rejeter les propositions de paix arabes, en préférant s’en remettre à la force et encore à la force, l’État hébreu se condamne – et condamne la région – à des décennies de violence et de guerre.

Que faudrait-il pour persuader Israël de reconsidérer son attitude à l’égard de ses voisins arabes, et en premier lieu à l’égard des Palestiniens ? La victoire du Hamas à Gaza est sûrement une claire indication qu’un changement de cap israélien est urgent. Tous les efforts de l’État hébreu pour briser le gouvernement démocratiquement élu du Hamas ont été vains. Sa politique de boycottage, de siège, sa volonté d’affamer les populations, ses bombardements et ses tirs de mitraille, ses assassinats ciblés, le blocage des droits de douane et des taxes, la destruction systématique des institutions palestiniennes n’ont eu pour résultat que de créer une bombe à retardement de famine, de désespoir et de défi sur le flanc d’Israël.

Et pourtant, les Israéliens semblent n’avoir rien appris. Au lieu de chercher à faire la paix avec les Arabes, de prendre la main qui leur est tendue, ils s’obstinent à rejeter toutes les propositions de paix, préférant s’en remettre à la force et encore à la force, et à leur talent à manipuler leur allié américain. À Washington, le 19 juin, le Premier ministre Ehoud Olmert a réussi à bloquer une velléité américaine de relancer des négociations israélo-palestiniennes. Il a persuadé George W. Bush – un président qui s’est complètement emmêlé les pieds au Moyen-Orient – que les conditions n’étaient pas réunies pour des pourparlers de paix ni avec les Palestiniens ni avec les Syriens.

L’attribution du portefeuille de la Défense à Ehoud Barak, un ancien Premier ministre et chef d’état-major qui estime que sa priorité est de reconstituer la capacité de dissuasion d’Israël, est un autre signe annonciateur de guerre plutôt que de paix. De source israélienne, on indique que Barak, même en privé, se refuse à admettre qu’il a commis des erreurs en 1999 et en 2000, lorsqu’il était Premier ministre, et qu’il n’a pas profité de l’occasion de faire la paix à la fois avec le leader palestinien Yasser Arafat et le président syrien Hafez al-Assad. Ce n’est pas une bonne référence pour un homme qui devrait jouer un rôle de premier plan en Israël dans les mois et les années à venir.

Condoleezza Rice, la malheureuse secrétaire d’État américaine, dont on aurait pu penser qu’elle projetait de donner un coup de pouce aux contacts israélo-palestiniens, s’est manifestement fait doubler par les faucons pro-israéliens, dont Elliott Abrams, au Conseil de sécurité nationale. On affirme à Washington que la lutte contre le “terrorisme” reste la priorité américano-israélienne. Le président Mahmoud Abbas, qui doit aux bontés de Tsahal et des colons d’exercer son autorité sur trois ou quatre bantoustans coupés de tout en Cisjordanie, a reçu l’ordre de se joindre aux représailles contre ses frères palestiniens s’il veut avoir droit à quelques miettes de la table des riches.

Aux yeux de la plupart des observateurs indépendants, il paraît évident que la politique impitoyable, agressive et expansionniste d’Israël n’a eu pour résultat qu’une détérioration régulière de sa position stratégique. L’État hébreu s’est donné, ou plutôt a fait surgir, des ennemis sur plusieurs fronts : le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza, un grand nombre de Palestiniens qui ont tout perdu et qui vivotent dans des camps de réfugiés, la Syrie au nord, l’Iran un peu plus loin et des groupes extrémistes en bien d’autres endroits, témoins de la colère d’une grande partie du monde arabo-musulman. Quelques autres tendances devraient alerter les Israéliens. L’opinion européenne avertie est de plus en plus scandalisée par le comportement de l’État hébreu, alors que les Arabes sont de mieux en mieux instruits, de mieux en mieux armés et beaucoup, beaucoup plus riches qu’avant. L’explosion démographique arabe produit des dizaines, et peut-être des centaines de milliers de recrues potentielles pour des guerres asymétriques qu’Israël est mal préparé à mener, mais qui semblent être le type de guerre de l’avenir.

Si cela ne suffisait pas, la tendance à laquelle Israël devrait peut-être porter la plus grande attention est que son principal allié, les États-Unis, est embourbé dans une guerre impossible à gagner, dans laquelle il s’est engagé en grande partie parce que les amis américains d’Israël, les néoconservateurs de Washington, ont pensé que si l’Amérique écrasait l’Irak, Israël n’aurait plus rien à craindre à l’Est. Il pourrait alors continuer à s’emparer de territoires cisjordaniens sans risquer de réaction arabe sérieuse.

Les néocons font maintenant campagne pour une guerre des États-Unis contre l’Iran, comme s’ils ne voyaient pas que l’opinion américaine supporte de moins en moins bien que l’Amérique soit entraînée dans des guerres lointaines et coûteuses pour le compte d’Israël. L’État hébreu reconsidère-t-il, du coup, sa stratégie ? Rien ne semble l’indiquer. Il se refuse à admettre que les rapports de force sont peut-être en train de changer dans la région. Il persiste à croire qu’il peut éradiquer le Hezbollah du Liban et le Hamas de Gaza, et mettre à genoux la Syrie et l’Iran – ou s’arranger pour que les États-Unis le fassent pour lui. Pour éviter des pourparlers de paix qui pourraient entraîner une cession de territoire, l’État hébreu continue de présenter le Hamas comme une “organisation terroriste” qui n’a d’autre but que la destruction d’Israël, ce qui permet d’avoir recours à la vieille astuce : “Comment pourrait-on négocier avec quelqu’un qui veut vous tuer ?”

Le Hamas est-il une organisation terroriste ou un mouvement de résistance légitime à l’occupation et à l’oppression ? Les Américains se sont ralliés à la thèse terroriste, et la fragile et frileuse Union européenne (UE) les a imités, même si certains de ses membres le regrettent. Le Hamas a certainement perpétré des attentats-suicides contre des civils israéliens au cours de la seconde Intifada, ce qui peut lui valoir, en effet, l’étiquette terroriste. Mais au cours de cette même Intifada, Israël a tué quatre fois plus de Palestiniens que le Hamas et les autres groupes palestiniens n’ont pas tué d’Israéliens. Plus récemment, au cours des seize mois qui se sont écoulés entre la victoire électorale du Hamas en janvier 2006 et avril 2007, Israël a tué 712 Palestiniens, dont beaucoup d’enfants, alors que sur la même période les Palestiniens ont tué 29 Israéliens (militaires et civils). Si le terrorisme se définit comme le meurtre de civils innocents à des fins politiques, lequel des deux camps est le plus grand terroriste ?

Le Hamas veut-il faire disparaître Israël ? Il ne fait pas de doute qu’il en rêve, tout comme Israël rêve de faire disparaître le Hamas. Mais les rêves sont une chose, la politique en est une autre. Le Hamas s’applique actuellement à rétablir l’ordre à Gaza. Il désarme les gangs qui vivent d’extorsion et de chantage, comme le gang Daghmush, qui détient le correspondant de la BBC Alan Johnston. Et il s’efforce de satisfaire les besoins immédiats d’une population de 1,4 million de personnes démunies, entassées sur un petit territoire dont Israël a fait la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Voici ce que Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre Hamas et désormais maître de Gaza, déclarait au quotidien français Le Figaro des 16-17 juin : “Notre programme est clair. Nous souhaitons la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, c’est-à-dire à Gaza, en Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale. L’OLP reste en charge des négociations sur ce point. Nous nous engageons à respecter tous les accords passés, signés par l’Autorité palestinienne. Nous souhaitons la mise en uvre d’une trêve réciproque, globale et simultanée avec Israël.”

On aimerait qu’Ehoud Olmert ou l’un de ses amis tiennent des propos aussi raisonnables ! Tout au contraire, Israël se propose de poursuivre, et même d’intensifier sa politique de bouclage de la bande de Gaza. Comme l’a dit Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, le 18 juin, au Luxembourg, à ses collègues de l’UE : “Il faut profiter au maximum de la scission entre la Cisjordanie et Gaza. Elle sépare les modérés des extrémistes.” Elle a pressé les autres ministres de continuer à isoler le Hamas tout en facilitant la vie du Fatah en mettant fin aux quinze mois de boycottage financier de l’Occident. Mais cela suffira-t-il à sauver Mahmoud Abbas ?

Une politique consistant, d’un côté, à nourrir la Cisjordanie et, de l’autre, à affamer Gaza peut-elle réussir ? C’est peu probable. Les responsables israéliens de la sécurité refuseront de supprimer les centaines de barrages qui font de la vie des Palestiniens un enfer. Le puissant mouvement des colons israéliens n’acceptera pas de renoncer à créer des colonies, et encore moins d’en supprimer. Et les dirigeants israéliens remueront ciel et terre pour éviter d’engager des pourparlers de paix avec les Arabes sur la base des frontières de 1967. Le résultat sera que Mahmoud Abbas s’enfoncera de plus en plus dans l’illégalité et aura de plus en plus une image de “collabo” ; que le déclin du Fatah se poursuivra inexorablement ; et qu’Israël et ses voisins seront condamnés à des décennies de violence et de guerre. Comme un observateur avisé me le faisait remarquer ces jours derniers, “le Moyen-Orient est aujourd’hui dans la situation de l’Europe à la veille de la Grande Guerre de 1914-1918. Une étincelle pourrait suffire à embraser la région.”

25 juin 2007, Israël creuse sa propre tombe, Jeune Afrique.

Lire aussi :
14/07/2017, Les USA ont-ils creusé la tombe d’Israël, Pars Today.
27/10/2023, Israël, le déclin d’un état colonial !, L’Opinion.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
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Ce qu’Israël commet à Gaza est un crime contre l’humanité

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Je ne pense pas que ce que je dirai sur ce qui se passe à Gaza aura une incidence sur la politique israélienne ou américaine dans ce conflit. Mais je tiens à ce que cela soit conçu comme un document parmi d’autres, afin que les historiens, lorsqu’ils se pencheront sur cette catastrophe morale, puissent constater que certains Américains se sont trouvés du bon côté de l’histoire.

Ce qu’Israël commet à Gaza contre la population civile palestinienne – avec le soutien de l’administration Biden – est un crime contre l’humanité. Son action ne sert aucun objectif militaire significatif. Comme le dit J-Street, une organisation importante du lobbying en faveur d’Israel, “l’ampleur du désastre humanitaire en cours et des pertes civiles dépasse presque toute imagination”.

Permettez-moi de le préciser par quelques faits.

Homicide massif de civils

Premièrement, Israël massacre délibérément un grand nombre de civils, dont environ 70% sont des enfants et des femmes. L’affirmation selon laquelle Israël se donne beaucoup de mal pour minimiser les pertes civiles est démentie par les déclarations de hauts responsables israéliens. Par exemple, le porte-parole des FDI (armée israélienne) a déclaré, le 10octobre 2023, que “l’accent est mis sur les dommages et non pas sur la précision”. Le même jour, le ministre de la défense Yoav Gallant a annoncé : “J’ai lâché toute restrictions – nous tuerons tous ceux que nous combattons ; nous ferons emploi de tous les moyens.”

En plus, les résultats de la campagne de bombardements montrent clairement qu’Israël tue des civils sans discernement. Deux enquêtes détaillées sur la campagne de bombardements des FDI – toutes deux publiées dans des médias israéliens – expliquent en détail comment Israël assassine un très grand nombre de civils. Il vaut la peine de citer les titres des deux recherches, qui résument bien ce qu’elles disent :

“Une usine à fabriquer l’assassinat de masse – au cœur des bombardements calculés d’Israël sur Gaza”.
“L’armée israélienne a abandonné toute retenue à Gaza, les chiffres témoignent de la tuerie massive sans précédent.”

De même, fin novembre 2023, le New York Times a publié un article intitulé : Les habitants civils de Gaza, sous les tirs de barrage israélien, sont tués à un rythme unique dans l’histoire”. Aussi n’est-il guère surprenant que le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ait déclaré : “Nous assistons à un massacre de civils sans équivalent et sans précédent dans n’importe quel conflit depuis ma nomination en janvier 2017.”

Affamer une population entière

Deuxièmement, Israël affame délibérément la population palestinienne désespérée en limitant massivement la quantité de nourriture, de carburant, de gaz de cuisine, de médicaments et d’eau qui peut être acheminée à Gaza. De plus, les soins médicaux sont extrêmement difficiles à obtenir pour une population qui compte environ 50000 blessés civils. Israël a rigoureusement limité l’approvisionnement de Gaza en carburant dont les hôpitaux ont besoin pour fonctionner et a également pris pour cible les hôpitaux, les ambulances et les postes de premiers secours.

Le commentaire du ministre de la défense, M. Gallant, le 9 octobre, résume bien la politique israélienne : “J’ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence.” Israël a été contraint d’autoriser un approvisionnement minimal à Gaza, mais les quantités sont si faibles qu’un haut fonctionnaire de l’ONU signale que la moitié de la population de Gaza est affamée”. Il ajoute que “dans certaines zones, neuf familles sur dix passent” un jour et une nuit entiers sans aucune nourriture”.

Rhétorique de mépris pour l’homme

Troisièmement, les dirigeants israéliens parlent des Palestiniens et de ce qu’ils seront prêts à pratiquer à Gaza en des termes abhorrents, surtout si l’on considère que certains de ces dirigeants évoquent en permanence les horreurs de l’Holocauste. En effet, leur rhétorique a conduit Omar Bartov, éminent spécialiste de l’Holocauste né en Israël, à conclure qu’Israël est hantée d’“intention génocidaire”. D’autres spécialistes des enquêtes scientifiques sur l’Holocauste et les génocides ont lancé des avertissements similaires.

Pour préciser, il est courant que les dirigeants israéliens qualifient les Palestiniens d’“animaux humains”, de “bêtes féroces humaines” et d’“horribles animaux inhumains”, ce faisant, ces dirigeants font référence à tous les Palestiniens, non pas seulement au Hamas, comme l’indique en toute évidence le président israélien Isaac Herzog disant : “Là-bas, c’est une nation toute entière qui en est responsable.” Comme le rapporte le New York Times, il n’est donc pas surprenant que, dans le discours israélien public, des formules se répètent disant littéralement que Gaza soit “aplatie”, “effacée” ou “détruite”. Un général de l’armée israélienne à la retraite a proclamé que Gaza deviendrait “un endroit où aucun être humain ne peut plus exister”, affirmant également que “de graves épidémies dans le sud de la bande de Gaza rapprocheront notre victoire”. Un ministre du gouvernement israélien est allé jusqu’à suggérer de larguer une arme nucléaire sur Gaza. Il ne s’agit guère de déclarations sorties de la bouche d’extrémistes isolés, mais de membres éminents du gouvernement israélien.

Bien entendu, il est également beaucoup question de nettoyage ethnique à Gaza (et en Cisjordanie), ce qui reviendrait à produire une nouvelle Nakba. Il suffit de citer le ministre israélien de l’agriculture qui vient de dire : “Nous sommes en train de préparer la Nakba de Gaza”. La preuve la plus choquante des abymes dans lesquelles la société israélienne est tombée est peut-être une vidéo de très jeunes enfants qui entonnent une chanson à faire glacer le sang, pour célébrer la destruction de Gaza par Israël : “Dans un an, nous anéantirons tout le monde, puis nous retournerons pour labourer nos champs.”

Destructions systématiques

Quatrièmement, Israël ne se contente pas de tuer, de blesser et d’affamer un très grand nombre de Palestiniens, il détruit aussi systématiquement leurs maisons ainsi que les infrastructures essentielles, notamment les mosquées, les écoles, les sites patrimoniaux, les bibliothèques, les principaux bâtiments gouvernementaux et les hôpitaux. Le 1er décembre 2023, les FDI avaient endommagé ou détruit près de 100000 bâtiments, y compris des quartiers entiers, réduits à l’état de ruines. En conséquence, 90% des 2,3 millions de Palestiniens de Gaza ont été déplacés de leurs domiciles. En outre, Israël déploie des efforts concertés pour détruire le patrimoine culturel de Gaza ; comme le rapporte [NPR National Public Radio], “plus de 100sites du patrimoine de Gaza ont été endommagés ou détruits par les attaques israéliennes”.

Humiliations

Cinquièmement, Israël ne se contente pas de terroriser et de tuer les Palestiniens, il humilie aussi publiquement nombre d’hommes qui ont été arrêtés par les FDI lors de fouilles de routine. Les soldats israéliens les forcent à se mettre en sous-vêtements, leur bandent les yeux et les exhibent publiquement dans leur quartier en les faisant asseoir par grands groupes au milieu de la rue, par exemple, ou en les faisant défiler dans les rues – avant de les emmener dans des camions vers des camps de détention. Dans la plupart des cas, les détenus sont ensuite relâchés, car ils ne sont pas des combattants du Hamas.

Le rôle que joue le gouvernement Biden

Sixièmement, bien que les Israéliens se chargent du massacre, ils ne seraient pas capables de le commettre sans le soutien de l’administration Biden. Les Etats-Unis ont non seulement été le seul pays à voter contre la récente résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, ils ont également fourni à Israël l’armement nécessaire pour réaliser ce massacre, comme l’a récemment rendu évident un général israélien (Yitzhak Brick) : “Tous nos missiles, les munitions, les bombes larguées avec précision, tous les avions et leurs munitions, tout cela nous parvient des Etats-Unis. Aussitôt qu’ils ferment le robinet, notre combat arrête. Nos propres capacités ne suffiront pas […] Tout le monde comprend que nous ne pouvons pas mener cette guerre sans les Etats-Unis, c’est évident.” Fait remarquable, l’administration Biden a cherché à accélérer l’envoi de munitions supplémentaires à Israël, en contournant les procédures normales prescrites de la Loi sur le contrôle des exportations d’armes.

Le massacre continue en CisJordanie

Septièmement, alors que l’attention se concentre actuellement sur Gaza, il est important de ne pas perdre de vue ce qui se passe simultanément en Cisjordanie. Les colons israéliens, en étroite collaboration avec les FDI, continuent de tuer des Palestiniens innocents et de s’accaparer de leurs terres. Dans un excellent article de la New York Review of Books décrivant ces horreurs, David Shulman relate une conversation qu’il a eue avec un colon. Elle reflète clairement la dimension morale du comportement israélien à l’égard des Palestiniens. “Nos comportements envers ces gens sont inhumain”, admet librement le colon, “mais si vous y réfléchissez bien, tout cela découle inévitablement du fait que Dieu a promis cette terre aux Juifs et à eux seuls.” Parallèlement à son assaut sur Gaza, le gouvernement israélien a considérablement augmenté le nombre d’arrestations arbitraires en Cisjordanie. Selon Amnesty International, il existe de nombreuses preuves que ces prisonniers ont été torturés et soumis à des traitements dégradants.

Alors que j’assiste à cette catastrophe pour les Palestiniens, je n’ai qu’une seule question à poser aux dirigeants israéliens, à leurs défenseurs américains et à l’administration Biden : Avez-vous perdu toute décence ?

John J. Mearsheimer, Ce qu’Israël commet à Gaza contre la population civile palestinienne – avec le soutien de l’administration Biden – est un crime contre l’humanité, Horizons et débats

Lire aussi :
La critique de la politique israélienne ne relève pas de l’antisémitisme – Lettre ouverte des écrivains juifs dénonçant un dangereux amalgame, Horizons et débats.
John J. MEARSHEIMER, Stephen M. WALT, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, 2006 [Partage en ligne].
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Déclaration de l’Association France Palestine Solidarité

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L’opération des groupes armés palestiniens survenue le 7 octobre, et la nouvelle guerre déclenchée depuis cette date par Israël contre la population palestinienne, surviennent après 75 ans de violations constantes du droit international par l’État d’Israël, 56 ans d’occupation et de colonisation par Israël du territoire palestinien, 16 ans de blocus illégal et inhumain de la Bande de Gaza. L’impunité dont jouit Israël en dépit de toutes ses violations du droit international est à l’origine de la catastrophe d’aujourd’hui.

L’AFPS s’incline devant la mémoire de toutes les victimes civiles, et rappelle que rien ne peut justifier la guerre atroce et criminelle qui a été entreprise par l’État d’Israël contre la population palestinienne de Gaza et l’ensemble de ses infrastructures vitales. Rien ne peut non plus justifier la punition collective que constitue le blocus qui prive la population de Gaza d’eau, de nourriture, de médicaments et d’énergie, et la met en danger de mort. Les secours humanitaires qui arrivent par le passage de Rafah ne peuvent pas pallier cette catastrophe voulue et organisée par l’État d’Israël.

La guerre menée par Israël contre le peuple palestinien vise aussi la Cisjordanie dont Jérusalem-Est. Des communautés ont été chassées de leurs terres, l’ensemble de la population vit sous la terreur des attaques de colons soutenus par l’armée d’occupation ; celle-ci mène des attaques contre les villes palestiniennes et les camps de réfugiés, cibles privilégiées de l’occupation, notamment ceux de Jénine, Naplouse, Tulkarem et Jericho. Les villes et villages sont sous blocus, les écoles et universités ont dû fermer. Près de 250 morts palestiniens sont à déplorer depuis le 7 octobre, qui s’ajoutent aux 248 morts depuis le début de l’année 2023.

Cette offensive généralisée vise également les Palestiniens de 48 qui subissent en Israël des mesures de rétorsion et d’intimidation dans leur vie quotidienne comme dans leur vie professionnelle.

Au cours des quelques jours de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, une soixantaine d’otages civils israéliens et étrangers ont été libérés par le Hamas. Environ 300 prisonniers palestiniens, essentiellement des femmes et des mineurs, ont été libérés par Israël. Ce sont de bonnes nouvelles pour eux-mêmes et leurs familles. Mais c’est une information en trompe-l’œil alors que l’on observe que depuis le 7 octobre, ce sont 3000 nouveaux Palestiniens dont 200 mineurs de Cisjordanie, dont Jérusalem-Est qui ont été emprisonnés par Israël, et que des arrestations, y compris de personnel médical, sont effectuées par l’armée israélienne à Gaza. Et ce sont des milliers de prisonniers politiques palestiniens, jugés par des tribunaux d’occupation ou détenus sans jugement, qui restent emprisonnés par Israël dans des conditions inhumaines. Les témoignages des Palestiniens récemment libérés des prisons israéliennes sont particulièrement inquiétants sur les mauvais traitements, voire les tortures, qu’ils subissent. Huit d’entre eux sont morts depuis le 7 octobre, faute de soins ou à la suite de tortures.

Association France Palestine Solidarité

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La Palestine est le génocide que nous, peuple juif, pouvons arrêter

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Nous ne pouvons pas laisser l’âme morale du judaïsme périr par notre silence collectif sur la guerre génocidaire d’Israël contre les Palestiniens à Gaza

 

Le 24 novembre, au moment même où j’écris ceci, une lettre d’amour à mon cher peuple juif, un génocide se déroule sur mon écran.

Cette lettre qui vient du fond de mon cœur s’adresse au vôtre. C’est un appel à l’action pour faire preuve de solidarité avec la Palestine. J’ai une telle tendresse pour nous, notre histoire et les fières traditions que nous avons préservées au fil des siècles d’injustices indicibles.

Comme certains d’entre vous, j’ai grandi en allant à la synagogue dans une communauté américano-juive progressiste. Être juif au niveau culturel et religieux signifiait notamment célébrer Israël et le soutenir.

Lorsque j’ai découvert ce qui se passait en réalité dans les territoires palestiniens occupés, j’avais 18 ans et j’étais en première année dans l’enseignement supérieur. Une camarade juive m’avait informée des abus perpétrés par Israël en notre nom.

Je ne suis pas fière d’admettre que le fait qu’elle soit juive est probablement la seule raison pour laquelle je l’ai écoutée : ma communauté m’a enseigné que seul le peuple juif peut véritablement comprendre à quel point Israël est important pour notre sécurité et notre bien-être. En regardant en arrière, j’aimerais avoir cru les Palestiniens plus tôt.

Les Palestiniens ont autorité sur leur propre lutte pour la liberté. Mais l’endoctrinement et la peur instillée en moi en tant qu’enfant juive étaient trop forts pour les surmonter, jusqu’à ce qu’éclate la bulle du sionisme.

Lorsque j’ai appris l’ampleur de l’actuelle brutalité d’Israël contre le peuple palestinien, j’ai eu du mal à y croire. Mes aînés juifs m’ont enseigné la justice, les droits de l’homme ainsi que l’obligation morale pour tout juif de cultiver le changement social et de “réparer le monde” (tikkoun olam).

Comment est-il possible que mon propre peuple puisse omettre la vérité à propos de l’apartheid israélien et de l’occupation ? On m’a enseigné qu’Israël avait été fondé sur un lopin de terre vide, non que des escadrons terroristes sionistes avaient fait irruption dans des villages, tuant 15 000 Palestiniens et déplaçant de force 750 000 personnes supplémentaires lors de la Nakba. Comme moi, ne savaient-ils pas ?

Erreur sioniste

L’allégation selon laquelle “tous ceux qui critiquent Israël sont antisémites” me donne l’impression d’être de plus en plus fragile face à la liste croissante des crimes de guerre israéliens. Si tout ce qu’on m’a appris sur Israël n’était pas la vérité, quels étaient les autres mensonges ?

Et qu’est-ce que cela signifierait pour mon implication au sein de la communauté juive, étant donné que quasiment tous mes coreligionnaires sont toujours investis activement ou tacitement dans l’erreur du nationalisme sioniste ?

Une fois le déni passé, la colère s’est installée. Des gens auxquels nous faisions confiance nous ont menti, nous ont trompés pour qu’on se réjouisse d’un État d’apartheid qui maltraite les enfants et torture sans pitié en notre nom. De jeunes juifs, comme moi, sont impliqués dans un génocide en cours depuis 75 ans contre le peuple palestinien.

Il y a eu énormément d’atteintes aux droits de l’homme commises sous prétexte de protéger les moyens d’existence des juifs – alors qu’en réalité, la paix tranquille d’un colon n’est rendue possible que par la répression incessante des Palestiniens. Il n’y a de sécurité pour personne sous occupation.

On nous a dit qu’Israël représentait un refuge bâti pour les juifs après l’Holocauste, quelque chose de précieux que nous devions protéger à tout prix. C’était “la seule nation du peuple juif”, notre patrie, notre droit imprescriptible : Israël.

On nous a enseigné le droit intrinsèque à un morceau de terre de l’autre côté de la terre. Israël était une deuxième maison, en option, pour nous ; mais l’histoire omettait commodément que la Palestine est la seule et unique maison des Palestiniens, qui se sont occupés de cette terre pendant des générations.

Israël nie toujours les droits de visite des Palestiniens et leur droit inaliénable au retour ; par contre, en tant que juive née en Californie, je peux m’y rendre dès que je le souhaite, et Israël me paiera même pour déménager là-bas et vivre sur des terres palestiniennes volées.

On ne m’a pas enseigné qu’Israël est largement perfusé par les États-Unis, servant d’avant-poste impérial occidental stratégique pour l’extraction de ressources naturelles, les tests d’armes, l’entraînement de la police américaine, etc.

Personne ne m’a dit que la naissance d’Israël avait requis la mort de Palestiniens, un nettoyage ethnique commodément balayé sous le tapis pour que le peuple juif puisse avoir quelque chose de clinquant et propre ; que c’était une nation militarisée fondée sur des tas de corps palestiniens immolés par le feu, une patrie juive construite sur des fosses communes d’indigènes.

Lutte décoloniale pour la liberté

L’histoire d’Israël n’est pas nouvelle. Elle est parfaitement familière aux peuples colonisés à travers le monde. Elle perpétue le même mensonge colonial et suprémaciste que les colons arrivant sur l’Île de la Tortue (Amérique du Nord) se sont raconté pour justifier le génocide des peuples indigènes : au nom du progrès, de la modernité et de la démocratie, le colonisateur doit démolir, tuer et détruire.

Selon ce mensonge, le colonisateur doit piller la terre au nom de la destinée manifeste, d’un océan à l’autre, et exécuter de manière violente autant de “terroristes autochtones sauvages” que possible pour étendre ses gains territoriaux et construire des maisons sûres pour les familles de colons.

La Palestine n’est pas engagée dans une guerre sainte, c’est une lutte décoloniale pour la liberté. Les Palestiniens n’ont pas choisi que le peuple juif colonise leurs terres, et ils ont un droit légitime et moral à résister à l’occupation, indépendamment de l’identité de l’occupant. La sécurité juive est vouée à l’échec, tant que persiste l’occupation violente de la Palestine. Nos libérations sont liées et ne font qu’une.

Nous sommes à un moment sans précédent de notre histoire. Un génocide se déroule devant nos yeux, tandis que les corps s’entassent dans les fosses communes en dehors des hôpitaux bombardés et des camps de réfugiés. Un mouvement de solidarité mondiale pour la Palestine a percé le voile du confort occidental – une évasion de la prison du blocus.

Et tandis que l’armée israélienne soutenue par les États-Unis continue de faire pleuvoir les bombes sur le peuple assiégé de Gaza, bon nombre de mes coreligionnaires juifs se contentent de regarder ou s’en réjouissent activement.

Par son silence, le peuple juif dans le monde cosigne ce génocide. Beaucoup estiment que c’est “trop compliqué”, avec la menace de s’aliéner des amis, de la famille ou des collègues. Ils ne veulent pas prendre de véritable risque.

Asymétrie délirante

Mais des familles palestiniennes sont assassinées dans leur sommeil, brutalisées avec du phosphore blanc incendiaire, tuées par des snipers dans des maternités, affamées, souffrent de déshydratation et d’un manque d’eau potable, et sont contraintes à des marches de la mort. Des corps d’enfants ensanglantés sont sortis des ruines poussiéreuses des gravats bombardés.

Et pourtant, mes coreligionnaires en Occident affirment que ce sont eux qui craignent le génocide. Cette asymétrie délirante doit prendre fin pour que nous puissions rediriger les ressources et l’attention vers ceux qui sont confrontés à une véritable menace d’extinction dans ce massacre de la dignité humaine parfaitement évitable.

L’appel des Palestiniens à cet instant est clair : le cessez-le-feu maintenant. Mettre un terme au siège de Gaza et à l’occupation illégale. Respecter le droit au retour. Les Palestiniens nous demandent d’être témoins de leur génocide, de faire pression sur nos représentants en faveur d’un cessez-le-feu immédiat, et de boycotter ceux qui tirent profit de l’occupation illégale. Chaque jour sans cessez-le-feu, le bilan s’alourdit et Israël gomme d’autres lignées des registres de l’état civil.

La Palestine est le génocide que le peuple juif est en mesure d’arrêter. Nous n’avons pas pu intervenir pour empêcher des millions de nos ancêtres de périr dans les camps de la mort, mais nous pouvons et nous devons arrêter ce génocide et l’empêcher de continuer ne serait-ce qu’un jour de plus. Ne rechignons pas devant notre devoir sacré et urgent en exploitant la souffrance juive comme bouclier et comme excuse aux violences contre les Palestiniens.

Si vous vous considérez comme un juif doté d’une conscience, sachez qu’il n’y a pas de justification légale ou morale à ce massacre. Il est temps de prendre la parole. Les Palestiniens ne peuvent pas attendre que l’histoire leur rende justice, car les frappes aériennes continuent de s’abattre au moment où je vous écris cette lettre d’amour et de rage à vous, mes coreligionnaires juifs.

Nous ne pouvons pas laisser la morale du judaïsme périr au son de notre silence collectif sur le génocide. Que nos voix soient une prière pour nos ancêtres juifs et une bénédiction pour nos descendants pour dire une fois pour toutes : plus jamais.

Amanda GELENDER, Middle East Eye
Amanda Gelender est une journaliste antisioniste juive américaine qui vit aux Pays-Bas. Elle fait partie du mouvement de solidarité palestinien depuis 2006. Vous pouvez la suivre sur X : @agelender.

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Violente arrestation de Mariam Abudaqa

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Mariam Abudaqa, dirigeante d’une grande organisation féministe palestinienne de Gaza, militante de 72 ans connue et reconnue internationalement pour son combat pour le droit des femmes, a été violemment arrêtée cette nuit par la police française. Elle est actuellement détenue, en état de choc, dans un commissariat parisien.

On mesure ce que cela signifie pour elle d’être arrêtée par la police d’un Etat qui se prétend ami du peuple palestinien, alors même qu’un grand nombre de membres de sa famille ont été tués dans les bombardements indiscriminés que mène Israël contre la population de Gaza et qu’elle suit, avec une énorme inquiétude, la situation de ses proches menacés de mort à chaque minute et privés de tout moyen d’existence.

L’AFPS tient à lui exprimer toute son admiration et toute sa solidarité.

Mariam Abudaqa était venue en France, à l’invitation de plusieurs organisations de défense des droits du peuple palestinien, dont l’Association France Palestine Solidarité, pour une tournée de conférences sur son combat féministe et la situation à Gaza.

Alors qu’elle était entrée en France avec un visa parfaitement régulier délivré par les autorités françaises, elle s’était vue signifier un arrêté d’expulsion en plein milieu de sa tournée, un arrêté que le tribunal administratif avait suspendu par une ordonnance le 20 octobre. Le gouvernement français s’était acharné contre elle en faisant appel de cette décision devant le Conseil d’Etat : celui-ci avait finalement, dans la journée du 8 novembre, annulé la décision du Tribunal administratif. De nouveau sous le coup d’un arrêté d’expulsion, Mariam Abudaqa devait quitter la France à la date prévue, le 11 novembre prochain.

Aucun motif d’ordre public ne peut justifier l’arrestation de Mariam Abudaqa, et encore moins la violence de cette arrestation qui a conduit les militantes qui l’accompagnaient, molestées au cours de cette arrestation, à porter plainte.

Bertrand Heilbronn, président de l’AFPS, a déclaré : “à l’heure où s’ouvre un sommet censé organiser une assistance au peuple palestinien de Gaza, et alors que la France refuse de porter la seule exigence qui compte aujourd’hui, celle d’un cessez-le-feu immédiat, l’arrestation violente de Mariam Abudaqa est un nouveau coup porté à la crédibilité de la France.”

Nous avons, une fois de plus, honte pour la France. Mariam Abudaqa doit être immédiatement libérée et l’exécutif français doit lui présenter ses excuses.

Le Bureau national de l’AFPS

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Quand des Palestiniens sont tués, les questions ne sont pas posées (2006-2023)

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Voici le début d’un article qui reste d’actualité bien que publié en 2006 par Protection-Palestine, site aujourd’hui disparu.

 

Les cinq questions que tout étudiant en première année de journalisme se récite dans son sommeil (quoi, quand, où, qui et pourquoi) ne semblent pas s’appliquer quand des Palestiniens se font tuer.

Une étude récente consacrée à la couverture de l’Intifada par les médias montre que lorsque des Palestiniens sont tués, les médias israéliens se fondent quasi exclusivement sur la version des faits que donne l’armée.

On cite des porte-parole de l’armée, souvent nommés “officiers de sécurité de haut rang”, et il est rare que leurs versions soient confrontées à celles des Palestiniens, ou qu’une enquête indépendante soit réalisée pour vérifier leur exactitude.

Depuis le début de l’intifada en septembre 2000, plus de 3 300 Palestiniens ont été tués. L’association “Keshev” (“écoute” en hébreu), dirigée par l’écrivain David Grossman et par le Dr Daniel Dor du département communication de l’université de Tel-Aviv), a étudié les méthodes journalistiques pour 22 cas qui se sont produits en décembre 2005. Les médias qui ont fait l’objet de cette étude sont les trois grandes chaînes de télévision (1,2 et 10) et les trois principaux quotidiens (Yediot Aharonot, Ma’ariv et Ha’aretz).

Au total, 135 reportages ont été étudiés. Sur 48 reportages consacrés à des Palestiniens tués suite à des tirs de l’armée, seuls 8 ont donné des informations autres que celles fournies par l’armée, et un seul a donné une autre version d’un assassinat ciblé. Comme il est d’usage, les médias ont rapporté deux fois plus d’informations sur des opérations d’assassinats ciblés (planifiés et visant une personne bien définie) que sur la mort de Palestiniens au cours d’autres opérations militaires. Pour certains des incidents définis comme “assassinats”, le fait que des Palestiniens aient été tués n’a été mentionné que plus loin dans l’article ou le reportage.

Protection-Palestine [lien mort].

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Pour massacrer les Palestiniens, Israël a besoin de “tuer l’Histoire”

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La bande de Gaza, véritable ghetto et qui abrite aujourd’hui plus de deux millions d’habitants, est sous blocus israélien complet depuis 2006, soit 17 années…

 

Le 24 octobre, une déclaration du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a suscité une vive réaction de la part d’Israël.

S’adressant au Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de l’ONU a déclaré qu’il condamnait avec la plus grande fermeté le massacre commis par le Hamas le 7 octobre, mais qu’il souhaitait rappeler au monde que ce massacre n’avait pas eu lieu dans le vide. Il a expliqué qu’on ne peut dissocier 56 ans d’occupation de notre réaction à la tragédie qui s’est déroulée ce jour-là.

Le gouvernement israélien n’a pas tardé à condamner cette déclaration. Les responsables israéliens ont exigé la démission de M. Guterres, affirmant qu’il soutenait le Hamas et justifiait le massacre qu’il a perpétré. Les médias israéliens ont également pris le train en marche, affirmant notamment que le chef de l’ONU “a fait preuve d’une faillite morale stupéfiante”.

Cette réaction suggère qu’un nouveau type d’accusation d’antisémitisme pourrait maintenant être sur la table.

Jusqu’au 7 octobre, Israël avait fait pression pour que la définition de l’antisémitisme soit élargie afin d’inclure la critique de l’État israélien et la remise en question du fondement moral du sionisme. Désormais, la mise en contexte et l’historicisation de ce qui se passe pourraient également déclencher une accusation d’antisémitisme.

La déshistoricisation de ces événements aide Israël et les pouvoirs occidentaux à poursuivre des politiques qu’ils préféraient [autant que possible] éviter par le passé pour des raisons éthiques, tactiques ou stratégiques.

Ainsi, l’attaque du 7 octobre est exploitée par Israël comme prétexte pour poursuivre des politiques génocidaires dans la bande de Gaza.

C’est aussi un prétexte pour les États-Unis d’essayer de réaffirmer leur présence au Moyen-Orient. Et c’est un prétexte pour certains pays européens de violer et de restreindre les libertés démocratiques au nom d’une nouvelle “guerre contre le terrorisme”.

Mais ce qui se passe actuellement en Israël-Palestine s’inscrit dans plusieurs contextes historiques que l’on ne peut ignorer.

Le contexte historique le plus large remonte au milieu du XIXe siècle, lorsque le christianisme évangélique occidental a fait de l’idée du “retour des juifs” un impératif religieux millénaire et a préconisé l’établissement d’un État juif en Palestine dans le cadre des étapes qui mèneraient à la “résurrection des morts, au retour du Messie et à la fin des temps”.

La théologie est devenue une politique vers la fin du 19e siècle et dans les années précédant la Première Guerre mondiale pour deux raisons.

Premièrement, elle a servi les intérêts de ceux qui, en Grande-Bretagne, souhaitaient démanteler l’Empire ottoman et en incorporer des parties dans l’Empire britannique.

Deuxièmement, il a trouvé un écho au sein de l’aristocratie britannique, tant juive que chrétienne, qui a été séduite par l’idée du sionisme comme panacée au problème de l’antisémitisme en Europe centrale et orientale, qui avait provoqué une vague d’immigration juive malvenue en Grande-Bretagne.

La fusion de ces deux intérêts a poussé le gouvernement britannique à publier la célèbre – ou infâme – déclaration Balfour en 1917.

Les penseurs et militants juifs – qui ont voulu redéfinir le judaïsme en un nationalisme – espéraient que cette définition protégerait les communautés juives d’un danger existentiel en Europe en se concentrant sur la Palestine comme l’espace désiré pour la “renaissance de la nation juive”.

Au cours de ce processus, le projet culturel et intellectuel sioniste s’est transformé en un projet colonial, qui visait à judaïser la Palestine historique, sans tenir compte du fait qu’elle était habitée par une population autochtone.

À son tour, la société palestinienne, plutôt pastorale à l’époque et dans sa phase initiale de modernisation et de construction d’une identité nationale, a produit son propre mouvement anticolonial.

Sa première action significative contre le projet de colonisation sioniste a été le soulèvement d’al-Buraq en 1929, et elle n’a pas cessé depuis.

Un autre contexte historique pertinent pour la crise actuelle est le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948, qui comprenait l’expulsion forcée de Palestiniens dans la bande de Gaza à partir de villages sur les ruines desquels certaines des colonies israéliennes attaquées le 7 octobre ont été construites.

Ces Palestiniens déracinés faisaient partie des 750 000 Palestiniens qui ont perdu leur foyer et sont devenus des réfugiés.

Ce nettoyage ethnique a été constaté par le monde entier mais n’a pas été condamné.

En conséquence, Israël a continué à recourir à l’épuration ethnique dans le cadre de sa volonté de s’assurer un contrôle total sur la Palestine historique, en laissant le moins possible de Palestiniens de souche.

Il a notamment expulsé 300 000 Palestiniens pendant et après la guerre de 1967, et plus de 600 000 de la Cisjordanie, de Jérusalem et de la bande de Gaza depuis lors.

Il y a aussi le contexte de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Au cours des 50 dernières années, les forces d’occupation ont infligé une punition collective persistante aux Palestiniens de ces territoires, les exposant au harcèlement constant des colons et des forces de sécurité israéliennes et emprisonnant des centaines de milliers d’entre eux.

Depuis l’élection de l’actuel gouvernement israélien messianique fondamentaliste en novembre 2022, toutes ces politiques cruelles ont atteint des niveaux sans précédent.

Le nombre de Palestiniens tués, blessés et arrêtés en Cisjordanie occupée est monté en flèche. En outre, les politiques du gouvernement israélien à l’égard des lieux saints chrétiens et musulmans de Jérusalem sont devenues encore plus agressives.

Enfin, il y a aussi le contexte historique du siège de Gaza, qui dure depuis 16 ans et dont près de la moitié de la population est constituée d’enfants. En 2018, l’ONU avertissait déjà que la bande de Gaza deviendrait un endroit impropre à la vie humaine d’ici 2020.

Il est important de rappeler que le siège a été imposé en réponse aux élections démocratiques remportées par le Hamas après le retrait unilatéral d’Israël du territoire.

Il est encore plus important de remonter aux années 1990, lorsque la bande de Gaza a été encerclée par des barbelés et déconnectée de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est à la suite des accords d’Oslo.

L’isolement de Gaza, la clôture qui l’entoure et la judaïsation accrue de la Cisjordanie montrent clairement qu’aux yeux des Israéliens, Oslo signifie une occupation par d’autres moyens, et non une voie vers une paix dans la justice.

Israël contrôlait les points de sortie et d’entrée du ghetto de Gaza, surveillant même le type de nourriture qui y entrait, la limitant parfois à un certain nombre de calories. Le Hamas a réagi à ce siège épuisant en lançant des roquettes sur des zones civiles en Israël.

Le gouvernement israélien a prétendu que ces attaques étaient motivées par le souhait du mouvement de tout simplement tuer des juifs – l’accusant d’une nouvelle forme de nazisme – sans tenir compte du contexte de la Nakba, du siège inhumain et barbare imposé à plus de deux millions de personnes et de l’oppression de leurs compatriotes dans d’autres parties de la Palestine historique.

Le Hamas, à bien des égards, a été le seul groupe palestinien à promettre une vengeance ou une réponse à ces politiques. La manière dont il a décidé de répondre, cependant, peut entraîner sa propre disparition, au moins dans la bande de Gaza, et peut également servir de prétexte à une nouvelle oppression du peuple palestinien.

La violence de l’attaque [du 7 octobre] ne peut en aucun cas être justifiée, mais cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas être expliquée et contextualisée.

Aussi violente qu’ait été l’offensive [de la résistance palestinienne], il ne s’agit pas d’un événement qui changera la donne, malgré l’énorme coût humain pour les deux parties.

Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir ?

Israël restera un État créé par un mouvement de colonisation, qui continuera à influencer son ADN politique et à déterminer sa nature idéologique. Cela signifie qu’en dépit du fait qu’il se présente comme la seule démocratie du Moyen-Orient, il restera une démocratie uniquement pour ses citoyens juifs.

La lutte interne à Israël entre ce que l’on peut appeler l’État de Judée – l’État des colons souhaitant qu’Israël soit plus théocratique et raciste – et l’État d’Israël – souhaitant maintenir le statu quo – qui a préoccupé Israël jusqu’au 7 octobre, éclatera à nouveau. En fait, il y a déjà des signes de son retour.

Israël restera un État d’apartheid – comme l’ont déclaré un certain nombre d’organisations de défense des droits de l’homme – quelle que soit l’évolution de la situation à Gaza.

Les Palestiniens ne disparaîtront pas et poursuivront leur lutte pour la libération, avec de nombreuses sociétés civiles à leurs côtés et face à leurs gouvernements qui soutiennent Israël et lui accordent une immunité sans égale.

L’issue reste la même : un changement de régime en Israël qui apporte l’égalité des droits pour tous, de la rivière à la mer, et qui permette le retour des réfugiés palestiniens.

Sinon, le cycle de l’effusion de sang ne s’arrêtera pas.

06/11/2023, Ilan PAPPÉ, Pour massacrer les Palestiniens, Israël a besoin de “tuer l’Histoire”, Chronique de Palestine.

Lire aussi :
Ilan PAPPÉ, Le nettoyage ethnique de la Palestine, Monde en Question.
L’impasse de deux États (avec bibliographie), Monde en Question.
Dossier documentaire PALESTINE (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse PALESTINE, Monde en Question.
Veille informationnelle PALESTINE, Monde en Question.